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Page:Buies - Lecture sur l'Entreprise du Chemin de Fer du Nord, 1874.djvu/4

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l’Asie et l’Angleterre est raccourcie de 1600 milles.

Maintenant, qu’il s’agisse de transporter les produits de l’extrême ouest d’un port quelconque sur l’océan Atlantique, il n’y a pas le moindre doute que le commerce prendra de préférence la voie qui suit tout le nord des provinces d’Ontario et de Québec, depuis le Sault Ste. Marie, comme étant la plus courte et exempte de transbordements, et qu’alors le plus impérieux des intérêts, la nécessité commerciale, obligera de construire un pont qui relie Québec avec la côte sud, de telle sorte qu’il se trouvera exister une ligne non interrompue depuis l’extrême ouest, ou, si l’on veut, la côte du Pacifique, jusqu’aux ports de l’Atlantique, ligne unique, incomparable, incontestablement destinée à devenir la plus grande artère commerciale du Nouveau Monde.

Autre chose. Une nouvelle ligne, en voie de construction, devra relier avant longtemps Toronto à Ottawa. Cette ligne amènera le commerce de Toronto, d’Hamilton, de Détroit et de Chicago à Québec, sur une largeur de voie uniforme et par une route 25 milles plus courte que la route actuelle du Grand-Tronc. Le fret de toute nature pourra ainsi être expédié à Québec des extrémités de la province d’Ontario et placé dans les navires en partance pour l’Europe, pendant que le fret arrivant d’Europe, sera également expédié de Québec à Toronto, ou bien au Sault Ste. Marie d’où il sera écoulé dans les états du Michigan, du Wisconsin, du Minnesota, dans le Manitoba et jusqu’au Pacifique. Cette route sera à la fois la meilleure pour les émigrants ; car, à leur arrivée à Québec, ils pourront être dirigés vers leurs destinations respectives sans changer de train.

Entre l’Europe et l’Asie, Québec placé comme au centre, comme point d’aboutissement des voies ferrées et des voies maritimes qui relieront entre eux trois continents, quelle splendide perspective ! La province de Québec devenue, non seulement le pivot de la Confédération, mais encore de l’Amérique du Nord, et sa capitale réalisant enfin la destinée infinie pour laquelle la nature l’a créée ! Les innombrables produits de l’Ouest, les cargaisons du Japon et de l’Angleterre passant sous ses pieds, et cela, grâce au chemin de fer du Nord servant de prolongement à la grande ligne du Pacifique, chemin tant désiré, tant attendu, qu’on croyait n’être plus qu’un rêve, et qui, avant trois ans peut-être, sera une réalité !

La ville des souvenirs, de l’histoire et des ruines ne se contentera plus du passé pesant sur elle de l’amas accumulé d’une poussière séculaire ; elle ne se contentera plus de la poésie de son site et de la pompe grandiose du vaste panorama qui l’enveloppe en s’écartant comme pour agrandir l’espace autour d’elle ; elle ne se contentera plus d’avoir de magnifiques débris et d’être belle encore dans son dénuement et sa déchéance, elle deviendra, aussi, elle, une ville du nouveau monde, elle se tournera vers l’avenir et en aspirera le souffle puissant qui flotte sur tant de cités naissantes et déjà merveilleuses ; elle prendra sa place, éclatante et superbe, dans les splendeurs de ce monde encore inconnu et cependant si près de nous ; la cité de Champlain et de Montcalm secouera les langes épaisses de son berceau, devenu presque une tombe ; elle jettera au vent sa poussière, et, sans rien perdre des gloires attachées à son nom, s’élancera dans la clarté de l’avenir, plus fière encore de ce qu’elle peut être que de ce qu’elle a été.

Nous, la génération actuelle, nous verrons le commencement de ces grandes choses, nous verrons les lueurs grandissantes de cette splendide aurore ; et, ce qui mieux vaut, nous aurons écarté les voiles qui la couvrent, nous aurons fait le grand effort pour déchirer le nuage qui s’appesantit depuis si longtemps sur nos têtes, et nous aurons livré aux générations futures, spectacle inouï, une ville enfant sortie de ruines, avec une jeunesse dont nul ne peut prévoir le terme. Pour avoir attendu un quart de siècle, Québec prendra un quart de siècle d’avance ; il suffira de vingt ans pour faire une ville nouvelle sur des remparts démolis, tristes vestiges du passé, avec de larges avenues conduisant à des campagnes rayonnantes, au lieu des tristes ruelles où nous traînons aujourd’hui péniblement nos pas. Tout le Québec de l’avenir est dans l’œuvre accomplie du Chemin de Fer du Nord, et ce Québec là n’aura rien à envier au