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pendant six mois et demi de l’année, et le Grand-Tronc ne peut plus suffire aujourd’hui aux besoins toujours croissants du commerce ; il en résulte que le chemin de fer du nord aura au moins sa part légitime du commerce qui se fait entre les deux villes, outre qu’il desservira une région où aucune concurrence n’existe.

Le pays qui s’étend sur la rive nord du fleuve, entre Montréal et Québec, est très-riche en productions agricoles et minérales, outre qu’il offre à l’industrie toutes les ressources et tous les moyens de grande exploitation industrielle.

La terre en culture, qui s’étend sur une profondeur variable de vingt à cinquante milles, et comprend environ 2,730,000 âcres, donne de magnifiques récoltes de foin, d’avoine, de blé, d’orge, de pois et de patates ; les pâturages y sont incomparables et la population y dépasse 225,000 âmes. Il s’y trouve plus de vingt-cinq grands moulins à scie qui produisent trois cent cinquante millions de pieds de bois par année ; les forges donnent 8000 tonneaux de fer ; les fabriques de laine, de machines, de clous et de papier, ainsi que les moulins à farine, tous sur une grande échelle, quoique peu nombreux, sont situés dans le voisinage immédiat de la ligne.

Trois-Rivières, situé à égale distance des deux grandes villes de la Province, augmente sensiblement depuis quelques années ; le commerce de bois surtout lui a donné une impulsion considérable. Tout le monde sait que la vallée du St. Maurice est une des futures vaches grasses du pays ; à l’extrémité du chemin des Piles se trouve un magnifique pouvoir d’eau, où les bois variés qui s’étendent sur la vaste région du St. Maurice, peuvent être travaillés et transportés immédiatement en chemin de fer, soit à Québec, soit à Montréal, soit à un endroit quelconque des État-Unis, sans changer de chars. Les billots, qui descendent aujourd’hui le St. Maurice et qui fournissent deux cents millions de pieds de bois aux moulins de Trois-Rivières, avec beaucoup de frais et de risques dans leur passage à travers les rapides, pourraient être bien plus aisément découpés aux Piles et transportés de là directement sur le train. Depuis les Piles jusqu’à soixante-dix milles plus haut, la rivière n’a pas de courant, de sorte que rien n’est plus facile que d’y retenir et classer les billots ; en même temps, les bois durs qu’on ne peut faire porter à la dérive ni transporter d’aucune façon, et qui par conséquent ne rapportent encore rien, trouveront immédiatement dans le chemin de fer un instrument d’expédition pour eux sur les divers marchés du monde ; de plus, le transport des ouvriers et de leurs provisions, et l’emploi d’un steamer sur le St. Maurice, au sein même de cette vaste région forestière, apporteront un aliment considérable à l’embranchement des Piles et suffiront, en peu de temps, à lui donner de beaux bénéfices.

À part Trois-Rivières, il y a des chefs-lieux considérables sur la rive nord du fleuve, tels que Lorette, Cap-Santé, Rivière-du-Loup, Berthier, l’Assomption et surtout Joliette, qui est situé à onze milles de la ligne, et dont la population s’élève à 3000 âmes

Ces chefs-lieux fourniront par eux-mêmes un joli appoint au commerce local, c’est-à-dire celui qui se fera sur la ligne même ; mais il est impossible d’établir ni même de concevoir ce que l’industrie seule du bois apportera de ressources à ce commerce. La région forestière, située sur la rive nord du fleuve, est presque infinie ; de nombreux pouvoirs d’eau la traversent, de sorte qu’il sera extrêmement facile de conduire ce bois jusqu’au chemin de fer, de le préparer et de l’expédier sur place dans tous les pays où il trouve un marché.

Le fer deviendra aussi un des aliments principaux du commerce local ; on sait en quelles quantités il existe, non seulement dans la vallée du St. Maurice, mais encore en divers autres endroits sur la rive nord ; ce fer serait transporté des mines à la ligne principale par de courts embranchements, de sorte que l’un des plus riches et des plus abondants produits de la province trouverait bientôt un moyen de transport qui lui a manqué jusqu’ici, et l’exploitation en ferait une source de richesse inépuisable.

Le général Seymour, ingénieur-en-chef du chemin de fer du nord, en estime le revenu annuel à $1,453,000, en basant ses calculs sur l’état de choses actuel, seu-