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passé auquel il apportera, au contraire, une majesté nouvelle et des splendeurs à jamais ineffaçables

Maintenant que nous avons devant nous l’ensemble de cet avenir magnifique, voyons en détail ce qui contribuera à le former. Laissons la place aux faits seuls, ils sont assez éloquents pour convaincre en même temps que pour éblouir.

III

La position géographique de la ville de Québec est telle que, fût-elle abandonnée, et ses habitants fûssent-ils atteints d’une léthargie incurable, le grand courant de l’ouest s’y fraierait forcément un passage, un nouveau peuple viendrait l’habiter, et les besoins du commerce y créeraient en peu d’années un entrepôt immense. Québec est une ville nécessaire. Nous sommes arrivés à cette époque où certaines entreprises, longtemps retardées, longtemps combattues, mais cependant inévitables, s’imposent à tous les esprits et les entraînent avec une force irrésistible. On voudrait reculer encore la construction du chemin de fer du nord que personne ne l’oserait, que personne ne le pourrait. Ce chemin est aussi nécessaire aujourd’hui que des rues et des maisons l’ont été jusqu’à présent, et aucune force d’inertie ne saurait l’empêcher d’être fait. Il se ferait, pour ainsi dire, malgré nous : ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas s’en mêler ou ne pas seconder par l’effort de toute une population le vaillant esprit d’entreprise de l’homme qui s’est définitivement chargé de son exécution ; nous voulons seulement établir la puissance de nécessité avec laquelle cette entreprise se présente, et son succès plus certain que toute volonté humaine, plus grand peut-être que toutes les espérances.

Le port de Québec peut contenir toutes les marines du monde réunies et donner passage au commerce de l’univers ; la capitale n’est pas seulement située de façon à être un entrepôt immense, mais encore une cité manufacturière de premier ordre : sa dette consolidée ne s’élève qu’à un peu plus de $2,600,000, auxquels il convient d’ajouter le million qu’elle a souscrit pour le chemin de fer du nord, et une dette flottante de sept cent quarante-cinq mille dollars. Cette dette, peut-être assez lourde aujourd’hui, quoique bien insignifiante, comparée à celle de la plupart des villes américaines, sera à peine sentie dans quelques années, alors que la population aura pris un accroissement rapide et que le développement du commerce sera tel que la seule différence des fortunes suffira à effacer l’intérêt de la dette avant dix ans.

Une dette n’est jamais lourde, du reste, lorsqu’une population est prospère ; et la Grande Bretagne, malgré sa dette énorme de cinq milliards, ne s’en aperçoit que pour s’en glorifier ; elle y puise même son principal élément de puissance et se fait une richesse de ce qui l’eût mené à la banqueroute, sans le prodigieux essor de son commerce dès la fin des guerres de l’empire. Les États-Unis, pourtant si taxés, ne se plaignent de leur dette que lorsque les désastres financiers viennent fondre sur eux ; et quand leur industrie aura, grâce à la protection, pris le vaste élan de celle d’Angleterre, ils se rappelleront à peine l’énorme fardeau que la génération précédente leur aura laissé. Montréal, chargé d’obligations, ne demande qu’à doubler la charge par toute espèce de grandes entreprises publiques. Et ici, qu’on nous permette une vérité qui a tout l’air d’un paradoxe :

Un pays jeune doit s’endetter avec plaisir, avec empressement, quand c’est pour s’ouvrir des communications et se créer des débouchés, et que ses ressources propres sont au-dessus du capital qu’il emprunte. Toute dette est alors une fortune en germe, parceque l’avenir est là, non seulement qui la solde, mais qui en centuple encore les effets bienfaisants. Pour devenir un grand pays et un grand peuple, il ne faut donc pas craindre de s’endetter : nos enfants paieront et ils en seront bien contents.

La valeur moyenne des exportations faites annuellement du port de Québec s’élève à onze millions, et, sur ce chiffre, le bois seul prend une part de neuf millions, tandis que la valeur des exportations s’élève pour Montréal à près de treize millions, quelque chose comme $l,500,000 de plus. Les bateaux de la compagnie du Richelieu, qui transportent une grande partie du fret local, ne voyagent que