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abattent la forêt et trouvent, ou plutôt inventent des ressources qu’ils n’auraient jamais autrement soupçonnées ; ceux enfin, qui ont pu comme moi contempler ce spectacle mille fois attachant et émouvant, savent tout ce qui est contenu dans ce mot de défricheur, si indifférent, si banal en apparence, et si humble qu’il n’éveille que l’idée vague d’une cabane au fond des bois et d’un abattis d’arbres fumants fait tout autour d’elle, en attendant que quelques touffes de blé poussent au milieu des souches noircies par le feu.

C’est là l’histoire de chaque défrichement successif, même de nos jours où tant de sollicitude s’attache à la colonisation et où l’on cherche par tant de manières à venir en aide au défricheur, soit par un budget spécial, soit par des sociétés de colonisation qui se chargent des frais d’établissement, soit enfin, même par des loteries, comme celle qu’a fondée, il y a quelques années, l’apôtre par excellence de la colonisation, monseigneur Labelle.

Ce n’est pas le riche qui colonise, c’est celui qui n’a que sa hache et qui, avec ce seul outil, parvient à ouvrir de vastes étendues de forêt, à créer pour nous de nouvelles demeures, de nouvelles richesses, à féconder des contrées nouvelles où notre race pourra se développer de plus en plus à l’aise, en conquérant de plus en plus le sol.