Les étrangers paraissent presque prendre possession de la Malbaie, à l’exclusion des indigènes, tant que dure la belle saison. Au siècle prochain, les touristes parleront des anciens habitants, des descendants des Highlanders de Fraser comme d’une race éteinte, dont les savants tenteront peut-être de tracer la complexe généalogie, — perdue dans la nuit des temps, — à celle des Pictes ou des Lapons. Il n’y aura qu’un rejeton qui fleurira vivace jusqu’à la fin des siècles ; la tribu des charretiers, race démoralisée, par ses exactions et sa soif homérique pour les spiritueux.
Qui sait si, au siècle prochain, quelque savant, en villégiature à la Malbaie, ne tentera pas de leur appliquer la théorie de Darwin sur « l’Origine des races » et d’expliquer scientifiquement une ancienne tradition selon laquelle le premier charretier de la côte nord serait issu d’une Laponne et d’un marsouin, au temps d’Éric le Roux, monarque en renom parmi ces peuplades ?
Mais on prétend que ceci se serait passé sur la côte sud, au Cap au Diable, et on en expliquerait le nom.
Toutefois, en disant que les touristes semblent avoir exclu les aborigènes de la Malbaie, ceci ne doit s’entendre que de la Pointe au Pic ; car le village proprement dit, autour de l’église, près du pont et le long de la rivière Murray, en gagnant l’intérieur, est fort populeux.
La Malbaie renferme quatre ou cinq grands hôtels, capables de contenir 600 à 700 touristes. D’abord, l’hôtel renommé de madame Duberger ; celui de Mme Micheletti ; ceux des Warren et de quelques autres, avec palais de Justice, prison, une belle église catholique, une chapelle anglicane, un juge résident, l’hon. juge Henri-Elzéar Taschereau, un shérif, un greffier, deux médecins.
« Précipices sur précipices… » On s’arrête effaré… Quoi ! C’est comme cela que la Malbaie commence ! Quoi ! j’arrive à la Malbaie, moi, touriste ingénu, et… crac ! la première chose que je fais est