Page:Buies - Petites chroniques pour 1877, 1878.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 77 —

de tomber dans un précipice de quinze cents pieds de hauteur ! Et encore si c’était tout ! Mais me voilà qui dégringole de ce premier précipice dans un autre, qui bondis d’abîme en abîme en me demandant si jamais il y a un bout ? C’est qu’une fois tombé là-dedans, on ne s’arrête plus qu’au centre de la terre. Il n’y a rien de tel que les précipices pour avoir l’esprit de corps ; à peine arrive-t-on au fond de l’un qu’un autre est là qui attend, tout prêt à vous relancer à l’abîme qui le suit et qui, à son tour, vous jette à son voisin, comme si ça n’était pas de vos affaires.

Mais, envoyons fort. « Gorges impénétrables dans la saillie des rochers »… Ce sont les précipices qui devraient être impénétrables. Un beau gras de jambe en vérité pour le pauvre diable arrivé à trente mille pieds sous terre, au fond du vingt-huitième précipice, avec l’Album sur son cœur, que de savoir qu’il y a dans la Malbaie des gorges impénétrables ! Il trouve qu’il a assez pénétré comme cela. Cependant, nous oserons demander à M. Lemoine dans quelle saillie de rochers il est allé prendre ces gorges impénétrables, (comme si l’on allait chercher des enfoncements dans des bosses) où en a-t-il vu, même de pénétrables, dans cette pauvre Malbaie chargée de tant d’horreurs ? Ah ! nous comprenons. Comme il n’y a pas de gorges du tout dans ce pays, il est évident qu’elles sont impénétrables. Qu’on est heureux de pouvoir deviner !

« Pics qui se perdent dans la nue… » Allons, arrêtez-vous, morbleu ! Vous faites de la Malbaie un endroit absolument impossible, une création insensée qu’on ne