Page:Buies - Petites chroniques pour 1877, 1878.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 113 —


Tout ce qui vit, dans Rimouski, tout ce qui sent, hommes, femmes, vieillards, jeunes gens, fillettes et garçons, quitte au soleil couché les travaux et les soucis, abandonne les maisons et se répand comme un flot pendant deux heures sur le trottoir retentissant. La plage rend mille échos qui répondent à la cadence des pas, aux chuchotements des conversations intimes, et les soupirs de la vague se mêlent à ceux des poitrines dilatées par de longs et tendres aveux.

C’est l’heure des jeunes surtout, de ceux qui ont la vie devant eux, et quelle foule ils sont ! Il n’y a pas d’endroit, certes, dans toute la province, où l’on puisse trouver une aussi brillante génération des deux sexes, aussi nombreuse, aussi cultivée, aussi indépendante d’esprit et, en même temps, qui ait des manières plus aimables et plus courtoises. On peut dire que Rimouski est l’endroit par excellence de la politesse aisée et de l’urbanité cordiale qui s’étend à toutes les relations et les facilite en les protégeant contre la familiarité vulgaire. C’est que tous les citoyens s’y fréquentent, entretiennent entre eux des rapports constants et que les manières, se communiquant ainsi des uns aux autres, se généralisent. À Rimouski, ce qu’on appelle l’échelle sociale est une chose fort indéterminée ; on n’y connaît pas d’inférieurs et un niveau