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sons de cette langue qu’un certain nombre de phrases en dehors desquelles il est impossible de nous aventurer sans tomber dans l’anarchie et le barbarisme, et nous voulons, dans notre présomption arrogante, donner des ailes à ce qui manque de corps, étendre le vol de ce qui n’a pas envergure ! C’est du grotesque. Nous sommes comme les anciens Peaux-Rouges, nos prédécesseurs, dont la langue, très-imparfaite, ne leur offrait qu’un petit nombre de mots pour exprimer l’immense variété des objets, de telle sorte qu’un même mot s’appliquait souvent à bien des choses et que, lorsque le mot faisait absolument défaut, ils empruntaient à la nature même toute sorte d’images pittoresques qui rendaient sensible leur pensée. Si encore nous en faisions autant !

Rien ne frappe plus le lecteur étranger que ce que nous osons affirmer ci-dessus. Au grand nombre d’expressions que nos écrivains et nos journalistes emploient indistinctement, indifféremment, sans se rendre compte de leur signification réelle ; aux locutions bâtardes, aux constructions de phrases étranges, il reconnaît de suite que ce n’est pas un français qui écrit ainsi. Nous n’avons pas de patois au Canada, non, certes ; il ne manquerait plus que cela ! Mais nous avons assez d’anglicismes pour remplacer tous les patois de Bretagne et de