çonnaient pas tout ce qui leur manquait. Produits bon gré mal gré d’un état de choses absolument rudimentaire, de conditions intellectuelles à peine sensibles, ils n’en ont pas moins affronté une langue depuis longtemps formée, successivement perfectionnée dans tous les genres par les maîtres qui ont écrit depuis trois siècles, et parvenue aujourd’hui à une telle variété, à une telle finesse de détails, qu’elle précise les impressions presque insaisissables et fixe l’image des plus fugitives nuances.
Il y avait donc contre les pionniers des lettres canadiennes tous les désavantages réunis et pas une seule des ressources qui s’offrent à l’écrivain des autres pays qui possèdent une littérature nationale. Partout ailleurs, en effet, l’homme de lettres prend autour de lui, comme dans un fonds sans cesse renouvelé, sans cesse alimenté, les formes infiniment multiples et changeantes qu’une langue peut revêtir et qui restent cependant conformes à son génie. Il puise ce génie à sa source même, il en est comme pénétré, imprégné, il en reçoit l’impression presque constante et de mille manières ; il agrandi avec cette langue qui, tous les jours, sous ses yeux, s’est élaborée, enrichie, développée ; il est elle et elle est lui. Mais l’écrivain canadien, au contraire, loin d’être l’expression d’une langue