les patates sont grosses comme le pouce, les grains n’ont pas de paille, les épis sont gros comme des fraises, les animaux vont crever ; qu’est-ce qu’on va devenir ? »… Ce que vous allez devenir ? Vous allez rôtir, aussi vous, et devenir gros comme une pomme ; car, je le dis en vérité, un canadien est incontentable. Pour lui, il n’y a jamais de bonnes années ; pour lui, les averses ne sont que des feux de paille, et le déluge viendrait-il encore une fois inonder la terre qu’il tendrait la langue et supplierait le ciel de lui envoyer une goutte d’eau pour calmer sa soif brûlante.
On dit que les travailleurs de la terre, qu’ils s’appellent paysans ou habitants, sont partout les mêmes, qu’ils se plaignent par routine, absolument comme ils cultivent, et que, jamais, depuis que le premier soc a creusé le premier sillon, ils n’ont adressé au ciel patient autre chose que des récriminations et des doléances. Classe paisible, heureuse, sans souci, qui mange du lait caillé et du lard, tant qu’elle en veut, qui atteint les limites extrêmes de la longévité, qui a l’air d’être parfaitement satisfaite de son sort et qui, cependant, ne l’est jamais du temps qu’il fait ! Vous trouvez cela étrange et rien ne l’est, moins. De quoi l’habitant aurait-il donc à se plaindre si ce n’était du ciel, du ciel qui le comble ou l’appauvrit indifféremment ? Pour lui le temps est toujours un ennemi déguisé, parce qu’il le redoute toujours. Quand il fait beau, c’est de la pluie qu’il faudrait, parce que les champs ont soif ; et quand il pleut, il pleut toujours trop tard