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Page:Buies - Québec en 1900, conférence, 1893.djvu/53

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québec en 1900

stupéfiante sollicitude, les moisissures en forme de maisons et les débris appuyés les uns contre les autres. On se demande en vérité comment ces choses branlantes, qui furent jadis des maisons, tiennent encore debout. Si l’on appuyait le doigt sur l’une d’elles, on l’enfoncerait jusqu’au coude, tant elles semblent n’être qu’un amas de poussière agglutinée, retenu en vertu de quelque loi mystérieuse.

Du haut de la terrasse, on peut voir là tout ce que la décomposition et la décrépitude sordide ont de mieux illustré. On y voit depuis des années, avec la même indignation et le même dégoût, les mêmes haillons en pierres et les mêmes loques en briques et en bois, monceaux informes, béants, éventrés, rongés aux faces et aux angles, s’arcboutant le long du cap, faisant face à une ligne de quais pourris et à d’autres pâtés de maisons hideux, vaguement troués d’ouvertures borgnes et chassieuses qui simulent des fenêtres, et aboutissant à une voie étroite, étouffée, qui passe en rampant le long du fleuve et se termine par une succession de débris aux extrémités de ce qu’on appelle la ville, vers le Cap Blanc et Sillery.


Voilà le spectacle que l’étranger peut contempler lorsqu’il arrive de Montréal par le fleuve, un beau matin d’été radieux et lumineux. Voilà ce que la ville de Champlain, la capitale de la province, peut lui offrir à première vue, et rien n’indique que la honte nous prendra suffisamment un jour pour nous décider à raser cette plaie que nous avons au pied, juste en bas de la terrasse, à l’endroit même d’où l’œil embrasse un des plus beaux panoramas du monde.