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Page:Buies - Récits de voyages, 1890.djvu/229

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récits de voyage

espace est nettoyé, délivré, ouvert au grand air, et la vue s’étend librement sur toute la vallée de la rivière Saint-Charles et les montagnes qui s’échelonnent en arrière, jusqu’à l’horizon qui les confond avec le ciel.

Cependant, il y a des gens qui regrettent l’infecte corps de garde et la misérable porte du Palais, qui laissait à peine passer une voiture, péniblement traînée par un cheval haletant, essoufflé, morfondu à mi-côte, après avoir fait le double du chemin, en plongeant dans les cahots, tournant les bosses, biaisant, longeant, qui avançait d’un côté, qu’on ramenait de l’autre, montait en zigzag comme si on l’eût tirebouchonné de bas en haut, et qui, lorsqu’il était arrivé au haut de la côte, chance qu’il n’avait pas toujours, restait tout roide, étiré sur ses pattes, et la queue aplatie.

On ne saurait croire jusqu’où certaines personnes poussent le goût des antiquités. Il suffit qu’une chose soit décrépite, bien salie, bien déchiquetée, bien ratatinée, nauséabonde et informe, mais qu’elle ait cent ans, pour qu’elles la pressent sur leur cœur. C’est là une passion comme une autre, mais, heureusement, la plus ridicule de toutes, car si la passion pour le beau