Le site est ravissant ; toute la campagne qui l’entoure a une physionomie enfantine et joyeuse qui réjouit, qu’on est heureux de contempler, ne fût-ce que quelques minutes ; mais le torrent de la vie s’écoule et le steamer est emporté dans sa course insensible à toutes les séductions de la nature. L’air qui jusqu’alors avait été emprisonné dans un étroit chenal, se dilate ; il fraîchit, s’emplit du parfum des bois, des pures exhalaisons de la rivière rendues à la liberté, et la poitrine avide en aspire de longues bouffées qui viennent d’où…, on ne sait, mais on éprouve une sensation étrange et comme maîtresse de tout l’être ; on sent le voisinage de quelque chose de grand ; le bouillonnement du sault Sainte-Marie l’annonce ; la nature intimidée semble changer d’aspect ; des bateaux à vapeur et des barges se croisent et glissent en tous sens, la rivière et ses bords se remplissent d’activité… Qu’y a-t-il ? C’est le plus grand des lacs du globe, c’est le Supérieur qui est là, à peine à deux milles de nous, que nous ne voyons pas encore, mais que nous sentons bien, parce que toute grande chose dans la nature a pour ainsi dire son atmosphère à elle, pénétrée, saturée de sa propre essence, qui prend comme une image de ses formes et qui la révèle aux regards de