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LES JEUNES BARBARES

comme dans la vie


« Comme dans la vie ! » Cela a l’air de vous promettre des situations extrêmement dramatiques, comme le roman d’Albert Delpit qui porte ce titre. Ah ! bien oui. Vous aller les voir, les situations !

Voici comment cela commence.

« Le grand vieillard, bâti comme les chênes et enraciné comme eux, vient de terminer sa course. »

D’abord, s’il est enraciné, il est difficile qu’il ait pu courir.

Remarquez bien que c’est le début, cela.

Qu’est-ce que c’est un peu que ce grand vieillard, bâti et enraciné comme les chênes ?

On n’en a pas encore entendu parler. D’où vient-il ?

Je conçois très-bien que Victor Hugo ait pu commencer une poésie par ce vers :

L’enfant avait reçu deux balles dans la tête,


parce qu’on sait d’avance ce dont il s’agit ; tout vous y a préparé ; c’est comme une suite aux pièces de vers antérieures ; le poète n’offense ni le goût ni la raison en écartant les préambules inutiles. Mais débuter par une pareille prise de possession de son sujet, quand personne ne sait ce qu’est ce sujet, ni où vous voulez en venir, ni ce dont vous allez parler, c’est abuser de ces procédés inexplicables au moyen desquels les décadents cher-