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LES JEUNES BARBARES

chent à introduire une littérature fantasmagorique, montée sur des échasses à deux cents pieds du sol. On n’en comprend pas un mot et c’est ce dont ils se glorifient. Plus ils sont incompréhensibles, plus ils sont admirables à leurs propres yeux et plus ils sont convaincus que le pauvre vulgaire est tout simplement incapable de les comprendre.

Immédiatement après :

« Les dernières notes du lugubre libera me résonnent encore à l’oreille. »

Voilà maintenant le docteur C. qui entend subitement un chant funèbre. S’il nous disait qu’il s’était mis tout à coup à éternuer, c’eût été absolument la même chose. Il n’y a pas plus de raison pour l’un que pour l’autre.

Mais, voyez-vous, ça fait dresser l’oreille, cette manière de dire les choses. Et tout cela, distribué en petits paragraphes d’une ligne ou une ligne et demie… Quoi de plus saisissant ? Le paragraphe ! Il n’y a rien de tel pour frapper à coups redoublés sur l’esprit du lecteur ! Un alinéa tout seul n’est peut-être pas grand’chose en soi, mais une trentaine d’alinéas de suite, c’est évidemment du génie.

« Les gouttes d’eau bénite sont à peine séchées sur son cercueil. »

Le cercueil de qui ? On se le demande. Du grand vieillard, direz-vous ? Mais vous ne nous avez nullement fait assister à sa mort, vous ne l’avez nullement conduit à l’église. Et puis