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LES JEUNES BARBARES

Mais « je n’étais pas encore au bout », comme on dit.

On a beau vieillir, il reste toujours à voir quelque chose de plus étonnant encore que tout ce qu’on a vu ; mais je crois pouvoir dire enfin que cette fois j’ai touché le terme, qu’il semble impossible de dépasser la page que je vais mettre sous les yeux de mes lecteurs, et que si l’on ne peut pas tirer l’échelle après cela, c’est qu’il est grand temps pour nous d’émigrer dans une autre planète, la nôtre étant évidemment condamnée à tourner bientôt autour de la lune, jusqu’ici son humble serviteur.

C’est en tremblant que j’aborde la dissection d’un pareil sujet. Les expressions vont me manquer pour peindre l’affolement dans lequel mes pauvres lecteurs vont être précipités par ma faute ; mais je puis bien me permettre de les traiter ainsi, en retour des complaisances coupables qu’ils ont toujours eues et qu’ils auront toujours pour moi.

Au reste, j’en suis bien convaincu, ils me sauront gré d’avoir remis ce monument sous leurs yeux et de l’avoir sauvé de l’oubli, pour défrayer leurs loisirs.

Dans une récréation littéraire que je me suis donnée, il y a quelque temps, sous le titre « Un autre scandale », à propos d’un écrit que je croyais ne pouvoir jamais être dépassé, j’avais néanmoins trouvé çà et là dans cet écrit une ligne ou deux qui échappaient au ridicule, mais ici il n’y en a pas une, ô Dieu ! non, pas une. C’est du délire tout pur.

Allons, lecteurs ! Du courage, et tenons-nous bien.