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RÉMINISCENCES


Est-ce que vous vieillissez, vous, mon cher lecteur ?

Ça se pourrait bien.

Pour moi, il me semble que je fais à peu près la même chose, et, pourtant, je rencontre tous les jours, et de plus en plus, signe infaillible de décrépitude, des gens qui me disent à l’envi :

« Comme vous rajeunissez ! Comme vous êtes alerte ! Vous avez l’air d’un jeune homme de vingt-cinq ans ! »…

Hélas ! Quand un homme rajeunit tant que ça, on n’a pas besoin de le lui dire ; il s’en aperçoit suffisamment à la nature et au nombre des exploits qu’il peut accomplir. Non, jamais jamais il ne reviendra le temps où nous partions, tous les deux ou trois jours, à la fermeture des bureaux, Alphonse Geoffrion, Alphonse Lusignan, Joseph Turgeon et moi, pour faire le tour à pied de la petite montagne de Montréal ! Chemin faisant, nous arrêtions, bien entendu, chez Prendergast, au détour de la Côte des Neiges, pour prendre une « cerise » et même deux « cerises ». Il nous arrivait encore parfois d’y souper, puis nous revenions à la ville, forts comme des Turcs et dispos comme des chamois.