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LES JEUNES BARBARES

peuvent écrire sans avoir eu de maîtres, sans avoir été cent fois corrigés et recorrigés. Ils sont convaincus qu’il leur suffit pour savoir écrire d’avoir traîné sept ou huit ans sur les bancs d’un collége quelconque de la province, où les professeurs compétents sont aussi rares que les justes dans Sodome.

Voilà pourquoi les insanités pleuvent dans une foule de choses imprimées. Je connais des individus qui ont obtenu toutes les distinctions pseudo-littéraires, des individus dont les noms paraissent dans toutes les circonstances qui se présentent ou qu’ils font naître, et qui écrivent à peu près dans le genre du jeune Glaneur.

« Le soir venu… nous allions au hasard, un peu bohémiens (il veut dire bohèmes), cherchant… admirant… la rade et son imitation aux allures gênées. » (Misère ! Mais arrêtez-vous donc jeune homme.)

« Et il parlait toujours, il parlait sans cesse, ayant un sourire à tous et une bonne parole au besoin. » (C’est bien le moins que lorsqu’on parle sans cesse on ait une bonne parole au besoin.)

« Parfois, sous l’influence de ce je ne sais quel vent sombre montant du fossé (oh ! là, là, là, là !) il s’attristait et devenait rêveur. En bon ami, je respectais son silence… »

Comment, sacrebleu ! Vous venez de dire qu’il parlait toujours, qu’il parlait sans cesse, et vous respectez son silence !…

Un jour, il faisait nuit, le tonnerre en silence,
Par des éclairs obscurs annonçait sa présence.