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LES JEUNES BARBARES

avouez, que voilà des gouttes d’eau bénite qui mettent singulièrement de temps à sécher, puisque dans l’alinéa précédent même, vous ne parlez de tout cela que comme d’un souvenir : « les dernières notes du libera me résonnent encore à l’oreille… »

Croyez-vous en bonne vérité qu’on puisse de la sorte, dans un tableau ou dans un récit, mêler toutes les circonstances, intervertir toutes les péripéties du fait qu’on raconte, au lieu de les présenter dans leur ordre naturel, en ayant soin avant tout de commencer par le commencement, ce qui est essentiel ? Que diriez-vous d’un acteur arrivant sur la scène et s’exclamant dès l’abord :

Le flot qui l’apporta recule épouvanté,


sans nous dire au préalable ce que ce flot apporte et pourquoi il recule épouvanté ! Vous croyez peut-être que ces procédés de style, au rebours de toutes les règles et même du simple bon sens, produisent un effet mirobolant sur le lecteur étourdi ?… Détrompez-vous, docteur, et soyez convaincu que tout l’effet produit, c’est la consternation.

« Je sors de l’église où je n’ai cependant pu prier ; — j’en demande excuse à Dieu. »

Et pourquoi n’avez-vous pu prier ? Y a-t-il quelque chose qui nous l’indique ? Nous avez-vous fait part de quelque émotion incontrôlable ?

Demandez pardon à Dieu, jeune homme, l’occasion en est excellente ; mais ne lui demande pas excuse ; Dieu ne vous