Tous mes examinateurs d’alors sont aujourd’hui des juges, à l’exception d’un seul, qui doit probablement d’être écarté du banc judiciaire à une question qu’il m’avait posée, tandis que je dois, en grande partie peut être, à ma réponse à cette question, d’avoir été reçu dans le docte corps où fleurissent d’autres publicistes que moi, tels que Charles Thibault. Cet examinateur, peu satisfait des réponses à peu près évasives que j’avais faites jusque là à ses confrères, voulut me pousser une question qui demandait absolument une réponse directe, droite et raide comme un paratonnerre. Aussi, son tour venu de m’interroger : « Quel est, » me dit il brusquement, « quel est le principal fonctionnaire du mariage ? » Pour un vieux garçon en herbe cette question était terrible, remplie d’horizons séduisants et menaçants, de dangers et d’attraits tout à la fois. Aussi demeurai-je interloqué, avec un courant d’air dans le dos et un poids de trois livres sur la langue. Mais, me ravisant aussitôt : « Comment ! Le principal fonctionnaire du mariage, m’écriai-je, mais c’est le mari ! »
À cette réponse un immense éclat de rire parcourut le gosier des quatre futurs juges, mon examen fut déclaré très satisfaisant et je passai avocat, avec droit de posséder diplôme, de porter toge et bonnet carré, d’être inscrit sur le tableau en payant mes taxes ; avec espoir « de conseiller la reine » un jour ou de devenir magistrat stipendiaire, et, en attendant, avec pouvoir de défendre la veuve, privée de son principal fonctionnaire, et de cultiver le patrimoine des héritiers présomptifs.