Page:Buies - Sur le parcours du chemin de fer du Lac St-Jean, deuxième conférence, 1887.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 4 —

différents, ou qui ont été traités mille fois avant eux par des auteurs, j’oserai dire d’une compétence presque égale à la leur, et pourtant, comme le dit Onésyme Reclus, dans son admirable tableau de l’univers qui a pour titre la terre à vol d’oiseau, « le Canada est un des beaux pays du monde » ; et moi, messieurs, moi qui ai beaucoup voyagé, qui ai promené mon incurable bohème sous bien des climats divers, je dirai plus, je dirai qu’il n’y a pas de pays plus beau que le Canada durant les mois d’été. Il y en a de plus connus, de plus vantés, et en bon nombre même ; l’Italie, la Suisse, le midi de la France, les rudes mais incomparables paysages de l’Écosse, la patrie ensoleillée du Cid, les rivages classiques et les vallées et les monts, habités par les dieux, du pays des Hellènes, ont tour à tour inspiré les peintres et les poëtes. Que de fois le Danube, le Bosphore et le Rhin n’ont-ils pas mêlé des chants harmonieux à la cadence de leurs ondes ! Le Mississippi et plus tard l’Hudson lui-même sont entrés à leur tour dans ce concert de l’imagination enchantée, mais où est le poëte du St-Laurent ? Qui donc chantera jamais en strophes dignes de lui ce roi des fleuves qui semble comme un bras d’océan soulevé, puis retombé de tout son poids sur la terre qu’il a entr’ouverte ; qui a gardé de la mer la majesté terrible ou souriante, tumultueuse ou assoupie, qui a pour bordure une chaîne de montagnes ondulant comme ses flots, les colorant des reflets de leurs longues pentes azurées, et pour lit de repos une vallée de cinq cents lieues où la nature a entassé ses plus précieux dons, multiplié ses plus saisissants aspects.