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un des plus pittoresques et des plus séduisants qu’il y ait dans notre pays, pourtant si fécond en beautés naturelles ; j’ose prédire qu’avant longtemps, il y aura là invasion de touristes, de pêcheurs et de familles désireuses de passer un mois ou deux au sein de la véritable nature, loin des exigences, de l’ennui bruyant, des plaisirs forcés et de toute cette gêne soi-disant sans façon qui ont rendu nos stations d’eau à peu près insupportables. Mais on n’y verra pas de chasseurs. Chose étrange ! dans cette région qui s’étend jusqu’au lac Bouchette, quinze milles en-deçà du Lac St-Jean, il y a en quantité des fauves, des caribous, des martes, des visons… ; mais on n’y voit jamais un seul gibier à plumes, on n’y trouve ni une fleur ni un fruit sauvages ; mais les corbeaux, les pique-bois, les moineaux et les « meat-birds » y sont nombreux, surtout ceux-ci, espèce d’oiseaux gros comme des grives, engeance gloutonne qui se tient toujours dans le voisinage des chantiers pour dévorer les rebuts de viande qu’on y jette.

Nous allons parcourir assez prestement, à travers l’île, les dix à douze milles qui nous séparent de l’extrémité inférieure du lac Édouard, puis nous côtoierons le lac lui-même jusqu’au bout de la ligne, tout en le perdant souvent de vue, mais en y revenant aussitôt, tant les courbes, nombreuses et brusques, le dérobent et le laissent apercevoir tour à tour par échappées, et multiplient en quelques instants les aspects indéfiniment variés du paysage. Nous allons traverser encore trois fois la Batiscan : elle est sortie toute petite du lac comme un ruisseau timide, fuyant à travers les arbris-