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nord de Québec, dans la direction de la rivière Ste-Anne ; la cabane enfumée et chassieuse de Joassin se trouvait à quelques milles plus loin que St-Raymond, et l’on allait alors faire la chasse à l’élan dans ces parages à peu près comme on irait aujourd’hui faire la chasse à l’ours blanc dans les steppes septentrionales de la baie d’Hudson. Que s’est-il passé dans l’intervalle de ces quarante-deux années qui nous séparent d’une époque devenue déjà presque légendaire, tant le contraste avec nos jours est étonnant, tant semblent lointains les souvenirs de l’enfance de beaucoup d’entre nous ! Ah ! « la civilisation ne devait jamais pénétrer dans ces steppes incultes ni la colonisation y faire d’établissements durables »… eh bien ! regardez maintenant. Des paroisses, pour ainsi dire encore dans l’enfance, ont reçu comme une impulsion subite depuis le jour où ont été posés les premiers rails d’acier sur ce sol si voisin, et pourtant jusque là encore si éloigné de nous ; et leur population réunie s’élève à près de quinze mille âmes, malgré la désertion de bien des foyers alors que ravageait, avec une fureur impossible à combattre, ce fléau de dépopulation qui a jeté tant de familles canadiennes dans les manufactures des États-Unis. Jusqu’à 25 lieues dans l’intérieur, le long des rivières Jacques-Cartier, Ste-Anne et Batiscan, sans compter leurs petits affluents, nombre de cantons nouveaux, qui hier encore avaient à peine un nom, s’étendent sous le regard dans tous les sens, et les fumées de vingt villages naissants s’élèvent dans le ciel éblouissant de l’hiver pour attester qu’il y avait autre chose au nord de Québec que des steppes incultes, que des forêts impéné-