Page:Bulletin biologique de la France et de la Belgique, tome XLI.djvu/444

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et pour reprendre une comparaison expressive dans sa trivialité, il ne faut pas non plus que le maçon qui travaille à la cave jalouse les ouvriers qui bâtissent les étages supérieurs, ni que ceux-ci regardent avec envie le couvreur qui fait au-dessus de leur tête un excellent travail[1].

Certains vont clamant : « L’Anatomie est morte, la Zootomie se meurt ! ne faisons plus de monographies ! Il est temps d’abandonner ces études terre à terre qui ne peuvent conduire à rien ! »[2].

C’est là un fâcheux état d’esprit.

Dire qu’une science est finie c’est prendre pour les limites de cette science les limites de nos connaissances à un moment donné. L’histoire est là pour nous prouver que les faits les plus vulgaires, ceux qui paraissent avoir donné toutes les conséquences qu’on en pouvait attendre, acquièrent soudain une nouvelle signification, une valeur imprévue, des applications non espérées, avec le perfectionnement de l’outillage et le progrès des observations.

Les phénomènes d’osmose, le mouvement brownien, l’attraction des corps légers par l’ambre et la résine, la phosphorescence des sels d’urane n’ont été longtemps que des objets de curiosité sur lesquels il semblait que tout eût été dit quand on les avait signalés. Qui pourrait supputer aujourd’hui l’importance des résultats déduits par nos contemporains de l’étude de ces faits élémentaires, soit pour l’explication des mécanismes les plus obscurs de la Biologie, soit même pour l’établissement d’une théorie générale de l’Univers !

C’est dans l’observation intelligente de détails parfois minutieux, mais dont l’importance morphologique générale dépasse souvent de beaucoup la valeur anatomique, que se trouve la clef de maint problème relatif aux adaptations. En travaillant ainsi, nous n’avons fait, a-t-on dit, que préparer des matériaux pour ceux qui plus tard sauront résoudre la question[3]. Et que faisons-nous jamais, qu’apporter notre pierre à l’édifice toujours inachevé des connaissances humaines, et n’est-ce pas une compensation à la triste constatation du peu d’efficacité actuelle de nos efforts que de songer qu’ils serviront à nos successeurs, et qu’à la conception

  1. Delage (Y.) L’hérédité et les grands problèmes de la Biologie générale. Paris, 1895. Introduction, p. 7.
  2. Ibid., p. 10
  3. Ibid., p. 5