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C’est par une méthode nouvelle que Darwin et Wallace réussirent à faire pénétrer dans les esprits la théorie de la descendance modifiée, au moment où il semblait que le succès de cette théorie fût définitivement compromis.

Abandonnant complètement l’étude analytique des facteurs primaires, Darwin envisage dans son ensemble le problème de la formation des espèces, à l’exemple du physicien qui cherche à établir les lois générales de la théorie cinétique des gaz sans s’inquiéter de la façon dont se comportent individuellement les molécules en mouvement.

Trois faits généraux dont l’évidence ne peut être sérieusement contestée donnent à la théorie de Darwin une base inébranlable.

Le premier de ces faits, de nature à frapper tous les observateurs, est celui de la variation individuelle.

Darwin a consacré deux volumes à l’étude de la variation, dont il cite d’innombrables exemples sans se préoccuper d’ailleurs des causes qui peuvent la déterminer, ou plutôt sans chercher à établir, comme l’avait tenté Lamarck, un rapport de causalité bien net entre telle ou telle variation et le facteur qui la produit. La variation existe ; parmi les individus d’une même espèce, animale ou végétale, aucun n’est exactement semblable à son voisin, même s’il lui est rattaché par des liens de consanguinité. Un berger distinguera toujours individuellement les moutons de son troupeau, et, dans un même milieu, les divers représentants d’une même race présenteront tous des caractères différents.

Le second fait n’est autre que l’hérédité de ces différences individuelles. Sans doute on peut discuter (et on ne s’en est pas fait faute) la transmission héréditaire des différences acquises, qui pour Lamarck et pour bien des biologistes modernes ne paraît pas devoir être mise en question ; mais nul ne conteste l’hérédité des particularités inhérentes aux plasmas ancestraux. L’observation et l’expérience sont d’accord pour nous démontrer cette transmissibilité, dont les exemples sont aussi nombreux dans le domaine de la Pathologie que dans celui de la Physiologie normale.

Le troisième fait est celui de la lutte pour la vie, qu’avaient déjà entrevu les anciens, et qui a fait l’objet d’innombrables constatations de la part des naturalistes descripteurs, en même temps qu’elle a frappé les praticiens sans cesse occupés à tenir en échec les ennemis de leurs cultures et ceux des animaux domestiques.