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De l’ensemble de ces trois faits découle, par une nécessité logique, la survivance des plus aptes et par suite la sélection des mieux adaptés, la permanence de certaines formes avantagées, la disparition de celles qui le sont moins, en un mot la délimitation de types spécifiques nouveaux de plus en plus séparés avec le temps de ceux qui leur ont donné naissance.

On éprouve quelque surprise à constater qu’une déduction si évidente et si directe de faits bien connus et facilement observables ait si longtemps échappé à l’attention des naturalistes et des penseurs.

Dans un passage souvent cité, Lucrèce reconnaît bien que certains animaux ont dû disparaître victimes des grands carnassiers et que d’autres n’ont été sauvés que grâce à la protection intéressée de l’homme :

Multaque tum interiisse animantum sæcla necesse est,
Nec potuisse propagando procudere prolem,
Nam quæcumque vides vesci vitalibus auris,
Aut dolus, aut virtus, aut denique mobilitas est,
Ex ineunte aevo genus id tutata reservans ;
Multaque sunt nobis ex utilitate sua quæ
Commendata manent, tutelæ tradita nostræ.
Principio, genus acre leonum sævaque sæcla
Tutata est virtus, vulpeis dolus et fuga cervos.
At levisomna canum fido cum pectore corda
Et genus omne quod est veterino semine partum,
Lanigeræque simul pecudes, et bucera sæcla,
Omnia sunt hominum tutelæ tradita, Memni[1].

On le voit, Lucrèce ne soupçonne guère l’action puissante du combat pour l’existence. D’autre part il a compris le rôle important de l’espèce humaine dans la conservation de certaines espèces naturellement mal défendues.

Et, dans cette direction, Lamarck lui-même ne va pas beaucoup plus loin que le poète latin :

« S’il y a, dit-il, des espèces réellement perdues, ce ne peut être, sans doute, que parmi les grands animaux qui vivent sur les parties sèches du globe, où l’homme, par l’empire absolu qu’il y exerce, a pu parvenir à détruire tous les individus de quelques-unes de celles qu’il n’a pas voulu conserver ni réduire à la domesticité. De là naît la possibilité que des animaux des genres Palaeotherium, Anoplo-

  1. Lucrèce, De natura rerum, V, Vers 853-865.