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cié des deux tiers et que la quantité de ce numéraire nécessaire pour acquitter les engagements contractés en monnaie de compte serait triplée. De là surgirent de nombreuses difficultés, surtout à Paris, à cause du loyer des maisons, ceux qui les louaient voulant recevoir le prix de leur location en forte monnaie, selon l’ordonnance royale. La multitude du peuple, ouvriers, tisserands, taverniers, trouvait très onéreux qu’on eut ainsi triplé le prix accoutumé et que, par exemple, pour ce que l’on payait un gros tournois, on l’oblige à en donner trois. Elle se porta sur une propriété d’Étienne Barbette, riche bourgeois, directeur de la monnaie et de la voirie, que l’on appelait la Courtille-Barbette, sise à l’extrémité de la rue Vieille-du-Temple, au-delà de la porte Barbette. Elle y mit le feu et saccagea le jardin, arrachant et brisant les arbres. De là, la foule revint en la rue Saint-Martin, près de Saint-Martin-des-Champs, entra de force dans la demeure d’Étienne Barbette, y défonça les tonneaux qui étaient dans les celliers, beaucoup même s’enivrèrent, puis pilla la maison, brisa les meubles, les coffres, jeta dans la boue les couvertures, les oreillers et les coussins, puis elle se porta sur le Temple où le roi était alors. La foule assiégea le Temple, interdisant l’accès aux gens qui apportaient des vivres au roi, et même ces vivres furent jetés dans la boue. En face d’un tel soulèvement, le prévôt de Paris, Firmin de Coquerel, essaya de calmer et d’apaiser la foule plutôt que de l’écraser. Par de « soueves » paroles, il engagea les émeutiers à regagner leurs demeures. Ils l’écoutèrent, mais le lendemain, sur l’ordre du roi, bon nombre d’entre eux furent arrêtés et mis en prison, et la veille de l’Épiphanie, soit le 5 janvier 1307, pour les punir des dégâts commis dans les maisons d’Étienne Barbette et de l’outrage fait au roi, vingt-huit furent pendus, soit sept à la porte Saint-Denis, sept à la porte Saint-Antoine, six à la porte Saint-Honoré, près des Quinze-Vingts, et huit à la porte Saint-Jacques, près de Notre-Dame-des-Champs. Le calme revint après ces exécutions.

On ne peut, dans le rapide exposé des événements qui agitèrent Paris sous Philippe le Bel, passer sous silence les exécutions des Templiers et l’arrestation des brus du roi.

Philippe le Bel[1] aurait été instruit des désordres et des vices du Temple par un Templier, prieur de Montfaucon, et par le Florentin Noffo Dei. À la suite de ce qu’il apprit, il fit arrêter tous les Templiers dans le royaume, le vendredi 13 octobre 1307, ainsi que le grand maître, Jacques de Molai, qui était alors au Temple. Le pape Clément V, à la suite de l’aveu que lui firent soixante-douze chevaliers à Poitiers, envoya vers le roi les deux cardinaux Bérenger Frédol et Étienne de Suisi pour instruire la procédure. De son côté, le 12 mai

  1. Voir G. Lizerand, Clément V et Philippe IV le Bel, p. 76 à 160.