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NICOLE ORESME ET LE THÉÂTRE À PARIS
AU XIVe SIÈCLE


Si l’histoire de notre ancien théâtre a fait, dans ces dernières années, d’assez notables progrès, il s’en faut que le XIVe siècle nous ait jusqu’ici révélé tous ses secrets. L’insuffisance actuelle de notre information nous impose donc le devoir de ne négliger aucun document, si minime soit-il, capable de nous renseigner sur l’activité dramatique en France, au cours des années douloureuses qui marquèrent le début de la guerre de Cent ans.

Les documents publiés par MM. Antoine Thomas et Gustave Cohen, s’ils n’intéressent que les dernières années du siècle, puisque le plus ancien remonte à 1380, laissent du moins à penser que les Confrères de la Passion et des compagnies analogues exerçaient déjà depuis quelque temps, dans la région parisienne, leur féconde activité. Or il se trouve qu’un écrivain, qui travailla de longues années à la solde de Charles V et compta parmi ses plus glorieux « translateurs », exprima à deux reprises son opinion personnelle sur le théâtre de son temps. Le hasard seul, à la vérité, pouvait nous révéler ces mentions, car on ne songerait guère, a priori, à rechercher des documents sur le théâtre au XIVe siècle dans les traductions d’Aristote de maître Nicole Oresme.

C’est en 1370 qu’il entreprit la traduction de la Morale à Nicomaque, ainsi qu’en témoigne le prologue commun :

En la confiance de l’aïde de Nostre seigneur Jhesucrist, du commandement de très noble et tres excellent prince Charles, par la grace de Dieu roys de France, je propose translater de latin en francoyz aucuns livres lesquelx fist Aristote le souverain [philosophe], qui fu dotteur et conseiller du grant roy Alexandre, et duquel la dottrine… a été translatee en plusieurs langages… et tenue en grant autoritté des devant l’advenement Nostre seigneur Jhesucrist environ cinc cens ans, et depuis jusques a maintenant par l’espace de M.CCC.LXX. ans… Et de toute ceste dottrine, la meillieur, la plus digne et la plus proufitable c’est la science de moralité contenue par especial et principalment en ung livre divisé en deux, qui sont appelez « Ethiques » et « Politiques » (Bibl. Nat., ms. fr. 206).