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Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 2, n°5-6.djvu/7

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de la Bibliothèque Nationale lui a permis d’identifier. Plus récemment encore, M. Keys, en recherchant le manuscrit de la première adaptation de Shakespeare jouée sur un théâtre français Les Deux Amies ou le Vieux Coquet, de Bret (d’après Les Joyeuses Commères de Windsor), avait la surprise de constater que cette pièce manquait dans le recueil où il pensait la trouver, d’après les indications formelles du catalogue Soleinne et de celui de la Bibliothèque Nationale (n° 9.243). Pourtant la pagination, deux fois remaniée, de l’ensemble du recueil, ne marque aucune lacune. En divisant les portefeuilles Soleinne pour les répartir sous la forme des volumes actuels, la Bibliothèque Nationale a vraisemblablement égaré ou interverti certaines pièces, tout en conservant fidèlement la description du catalogue Soleinne, que l’on a reproduite sans se livrer à la moindre vérification.

La parodie qui nous occupe, longtemps confondue avec celle de Dominique, Romagnesi et Riccoboni, en est pourtant tout à fait différente. Les personnages y conservent les mêmes noms que dans la tragédie de Voltaire, au lieu que chez les trois auteurs italiens Zaïre s’appelle Thérmre Lusignan, Alcidor Nérestan, Carabin, et Orosmane est désigné sous le nom de Sultan de Tripoli. La comparaison, même très superficielle, des deux pièces, ne pouvait laisser aucun doute à cet égard mais les indications du catalogue ont évidemment détourné les érudits de toute recherche à ce sujet. La seule mention qui ait été faite de cette parodie se trouve dans la thèse de Miss Valleria Belt Grannis (Dramatic Parody in Eighteenth Century France), dont j’avais attiré l’attention sur ce point et qui a consacré un peu moins de deux pages à ce petit ouvrage, qui pourtant mériterait mieux.

On sait en quoi consiste le comique des parodies, principalement au XVtH** sièc)e d’une part il provient des effets burlesques qui s’obtiennent en accentuant le côté ridicule que pourraient présenter certaines situations, en faisant parler les héros de tragédie dans un style vulgaire, ou encore en leur attribuant des situations inférieures et en leur faisant parler le langage de leur état. D’autre part, et ceci intéresse davantage l’histoire littéraire, les auteurs de parodies s’amusent malignement à souligner les défauts de construction de la pièce, et donnent ainsi sous forme indirecte une véritable critique de l’ouvrage. Par exemple, dans Les Enfants trouvés, l’effet burlesque est obtenu par des vers comme ceux-ci, que prononce Thémire

Tout le monde en convient, le Roi de Tripoli

Est, malgré sa moustache, un seigneur très poli, ou encore par les jurons gascons dont Carabin-Nérestan émaille ses tirades.