Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 3, n°1-2.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

–i6–

changement s’était opéré d’un seul coup, ou bien si des symptômes de cette véritable révolution n’apparaissaient pas déjà au cours de la période considérée? il

Et pour les acteurs, surtout pour les actrices ? Certains couplets au gros sel ne prouvent tout de même qu’une chose le droit que s’arrogeait n’importe quel folliculaire d’insulter des gens auxquels il était pratiquement interdit de répondre. Mais ces chansons nous révèlent-elles vraiment l’état de l’opinion ? Je suis sûr que M. Mélèse, tout le premier, n’en croit rien. Pourquoi donc alors ne pas opposer plus vigoureusement aux ragots des nouvellistes, aux railleries faciles de grands seigneurs, qui n’étaient pas sans reproche, même à la mauvaise humeur d’une mère qui enrage, et pour cause, contre une actrice, les témoignages autrement impartiaux de Germain Brice ou de Tralage ? Pourquoi ne pas souligner que, chez ce dernier, la liste des comédiens qui vivent « régulièrement et même chrétiennement est deux fois plus longue que la liste des « principaux débauchez ? Pourquoi ne pas relever comme elle le mérite cette petite phrase qui en dit long « II y a d’honnestes gens dans toutes les conditions, mais ordinairement en petit nombre»? il Ainsi donc, vers 1695, l’immoralité générale et spécialement scandaleuse du monde comique passait chez certains, qui n’étaient pas des esprits forts, pour une légende propagée par « certains caffars ». Et cela est écrit au lendemain des Maximes sur la Comédie

Certes, les porte-parole autorisés de l’Église n’ont jamais prétendu confirmer par les témoignages suspects de la chronique polissonne, des sévérités qu’elle motivait par des raisons doctrinales mais le fait capital, ce me semble, c’est que des laïcs aient constaté une contradiction entre ses anathèmes et la conduite réelle d’un bon nombre de comédiens. Cela pose le problème de la moralité du théâtre en termes nouveaux, que je persiste à croire plus clairs. Je ne voudrais pas tirer M. Mé!èse de mon côté, ni lui prêter une opinion qui n’est peut-être pas la sienne mais j’aurais aimé qu’il nous fît connaître son sentiment. Ce n’est pas diminuer la valeur d’une œuvre aussi considérable et consciencieuse que de lui reprocher bien amicalement une certaine timidité, une retenue excessive dès qu’il s’agit de ne plus se montrer seulement observateur attentif. Eh oui bien des aspirants au doctorat se rappellent qu’il fut dit <f Ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugés mais, quand ils sont d’une certaine classe, ils ont tort. M. Mélèse eut grand tort, et je pense qu’a l’heure actuelle iI n’en doute plus. La remarquable brièveté de la délibération, les applaudissements chaleureux qui saluèrent la « Mention très honorable" témoignaient assez que ses