Page:Bulletin de la société des historiens du théâtre, année 5, n°3-4.djvu/8

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mot, une allusion, jamais une scène entière. Le préjugé du décor unique a donc bien été pour quelque chose dans la mutilation subie par l’œuvre de Musset; n’accablons pas les Corne" diens Français, ne les absolvons pas complètement non plus les Caprices de Marianne furent victimes à la fots de la pudibonderie et de l’unité de lieu, des metteurs en scène et de la censure.

Mercadet, que le Gymnase Dramatique intitula Mercadet le Faiseur, et M. Dullin Le Faiseur tout court, ne rencontra pas auprès de la commission d’examen l’intransigeante hostilité qu’avaient rencontrée les Caprices. Néanmoins, son dossier de censure nous intéresse encore pour un autre motif. Nous avons connu depuis d’autres <: faiseurs auprès desquels celui de Balzac n’est qu’un collégien; pour que la satire porte encore, il a fallu la puissante hardiesse de M. Dullin et de ’ses collaborateurs, leur science des oppositions, le lyrisme de leur bouffonnerie; ils ont sorti la pièce du réel, ils nous ont interdit do la mesurer à l’aune de 1936, et, par ce moyen, ils en ont sauvé la force. Mais, pour les gens de 1851, qui ne connaissaient même pas les gros « faiseurs » du second empire, la pièce était vraie, d’une vérité actuelle, tnquiétante. Aussi l’avis favorable des censeurs ne fut-il donné qu’avec réticences, du bout des lèvres, ou, si l’on veut, du bout des dents « Le spéculateur Mercadet se débat contre les mille embarras d’une situation déplorable et réussit parfois, à force d’audace et d’habileté, à conjurer la mauvaise humeur de ses créanciers. Il leur doit 380.000 francs et il parvient à leur faire donner encore une vingtaine de mille francs qui lui sont indispensables pour la corbeille et les apprêts de noce de sa fille Julie qu’il donne à M. de la Brive, prétendu gentilhomme de province, dont la fortune et le crédit doivent rétablir les affaires de Mercadet. Celui-ci a eu cependant à lutter contre l’inclination de Julie, qui aime le jeune commis Lucien et en est très vivement aimée. La tendresse de Lucien résiste à l’aveu que lui fait Mercadet de sa ruine complète. Mais le spéculateur le détermine à renoncer à sa pensée d’épouser Julie en lui faisant comprendre combien ce serait peu aimer sa