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BULLETIN DU COMITÉ

rôle de Kouang-tehéou-ouan, dans un article qu’une plume plus autorisée consacrera prochaiThement à l’utilisation, comme base de pénétration commerciale, du port que nous avons « pris à bail » sur la côte du Keuang-toung.

En résumé, l’action immédiate qui s’impose à nous, pour parer à toutes les éventualités, c’est de réaliser, dans le sens le plus large et le plus fort, cette « soudure commerciale » entre l’Indo-Chine et la Chine que M. Aynard donnait pour but, en 1895, à la Mission Lyonnaise.

C’est donc l’Indo-Chine qui nous oblige et nous a toujours obligés à nous préoccuper en particulier de régions qui ne sont pas les plus riches du Céleste Empire. Le souci de l’avenir de cette colonie ne nous permet pas de considérer la Chine uniquement en commerçants et en industriels : ce souci ne nous permet pas plus exactement d’oublier que le commerce, dirigé d’une certaine manière, peut être à notre époque la plus efficace des politiques. L’Indo-Chine est d’ailleurs pour nous une excellente base économique. Dans le discours que nous reproduisons plus haut, M. Doumer, qui veut pour l’Indo-Chine un rôle impérial semblable, toutes proportions gardées, à celui que joue l’Inde britannique, a déclaré que notre colonie d’Extrême-Orient cessait d’être une charge pour nous et devenait un moyen d’action. Cela serait vrai éventuellement au point de vue militaire, c’est déjà vrai au point de vue commercial. L’Indo-Chine est appelée à devenir un gros fournisseur de la Chine, et les Français, s’ils sont actifs, à bénéficier de ce mouvement. Déjà le commerce entre les deux pays est très vif. Si nous développons certaines industries en Indo-Chine, ces échanges iront en s’accentuant.

Enfin, il y a une bonne raison pour que nous regardions la Chine à travers l’Indo-Chine, c’est que nous n’avons presque jamais fait autrement depuis notre installation aux bouches du Mékong. C’est notre vieille politique que nous suivons, celle qui a conduit Doudard de Lagrée sur le Haut Mékong, Francis Garnier et Dupuis sur le fleuve Rouge. Ces précurseurs cherchaient à travers le Tonkin ou le Laos une porte d’entrée ouvrant à notre commerce la Chine méridionale. On peut objecter qu’ils s’étaient trompés sur la facilité du passage et la richesse du but. Mais insinuera-t-on qu’il faille faire maintenant machine arrière ? En vérité, il serait bien tard. Non seulement, en 1885, aux heures faciles où l’impérialisme britannique sommeillait encore et où les autres ambitions « mondiales » n’étaient même pas nées, nous n’avons fait en Chine que de la politique indo-chinoise. Mais même plus tard, aux heures décisives, nous sommes rigoureusement restés dans la même voie. En 1897, après Kiao-tchéou, nous pouvions peut-être prendre une nouvelle base. Beaucoup disaient que nous devions nous faire donner un port dans le Nord. Au lieu de cela, nous avons pris Kouang-tchéou-ouan ; c’était simplement étendre notre base indo-chinoise et nullement changer notre position à l’égard du problème chinois. Nous disions, en commençant, que notre passé orientait définitivement notre politique en Chine, il faudrait être bien ignorant pour en douter. Nous avons quitté le carrefour où l’on peut choisir pour nous engager définitivement dans une route où il nous faut marcher résolument sous peine de ne rien faire du tout. Certes nous pouvons revendiquer notre liberté de commercer partout, mais non pas aspirer aux parts centrales, les plus riches, de l’héritage éventuel de « l’homme malade » d’Extrême-Orient. Les positions de toutes les Puissances sont trop fortement prises, et la situation qui ne nous engage que dans un coin écarté de l’arène chinoise n’est peut-être même pas sans quelques bons côtés.

Depuis la guerre sino-japonaise, nous n’avons cessé, tout en contribuant à ouvrir l’ensemble de la Chine, en essayant de nous y faire notre part, de nous préoccuper tout particulièrement du Sud- Ouest, Si nous avons obtenu des avantages pour les missionnaires et les convertis qui bénéficient de notre protectorat catholique, si nous avons fait charger des Français de la réorganisation de l’arsenal de Fou-tchéou, exigé la promesse que le directeur des postes impériales chinoises — encore à créer — serait un Français, nos exigences les plus certaines, les plus suivies, ont porté sur le Yunnan et les deux Kouang. Nous avons obligé la Chine à promettre qu’elle ne céderait pas ces provinces à d’antres qu’à nous. Nous nous y sommes fait donner des concessions matérielles, ayant parfois un caractère presque politique, par exemple celle du chemin de fer de Yunnan-sen, faite au gouvernement français lui-même, alors que dans tout le reste de la Chine — sauf en Mandchourie — les voies ferrées sont concédées à des Chinois, prête-noms des syndicats européens.

La lecture des Livres-Jaunes montre bien avec quelle obstination, trop rare dans l’histoire de notre diplomatie, nous avons exigé d’abord des concessions de principe dans le Sud-Ouest, puis leur détermination de plus en plus pratique. Nous allons en donner le résumé, pensant qu’il est utile d’énoncer, dès notre premier numéro, la série des actes diplomatiques relatifs aux provinces voisines du Tonkin, et sur lesquels nous aurons bien souvent à revenir.

Le premier de ces arrangements, que nous avons demandé à la Chine pour nous payer de notre participation à la triple intervention grâce à laquelle les rigueurs du traité de Simonoséki ont été fort atténuées à son profit, est du 20 juin 1895 : c’est la Convention complémentaire de la Convention additionnelle de commerce du 26 juin 1887 entre la France et la Chine. La Chine nous accordait l’ouverture au commerce des trois villes de Long-tchéou, Mong-tsé et Sé-mao, sur les frontières du Tonkin. En outre, cette Convention déclarait :

Il est entendu que la Chine, pour l’exploitation de ses mines dans les provinces du Yunnan, du Kouang-si et du Kouang-toung, pourra s’adresser d’abord à des indus-