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BULLETIN DU COMITÉ

J’ai l’honneur de demander à Vos Altesses et à Vos Excellences d’acquiescer aux accords suivants, destinés à resserrer les liens d’amitié et de bon voisinage qui unissent l’Empire chinois et la République française :

« 1° Le gouvernement chinois accorde au gouvernement français ou à la compagnie française que celui-ci désignera le droit de construire un chemin de fer allant de la frontière du Tonkin à Yunnan-fou, le gouvernement chinois n’ayant d’autre charge que de fournir le terrain pour la voie et ses dépendances.

« Le tracé de cette ligne est étudié en ce moment et sera ultérieurement fixé, d’accord avec les deux gouvernements. Un règlement sera fait d’accord.

« 2° Le gouvernement chinois, en raison de son amitié pour la France, donne à bail, pour 99 ans, la baie de Kouang-tchéou-ouan au gouvernement français, qui pourra y établir une station navale avec dépôt de charbon. Les limites de la concession seront ultérieurement fixées d’accord entre les deux gouvernements, après études sur le terrain, On s’entendra plus tard pour le loyer. »

Comme il est dit dans la dépêche que vous avez adressée à notre Yamen que ces trois demandes sont destinées à resserrer les liens d’amitié qui nous unissent, nous pouvons y acquiescer…

Nous croyons devoir adresser la présente réponse à Votre Excellence pour qu’elle la transmette à son gouvernement.

Enfin, M. G. Dubail ayant écrit au Yamen que « le gouvernement de la République attacherait un prix particulier à recueillir du gouvernement chinois l’assurance qu’il ne cédera à aucune autre Puissance tout ou partie du territoire des provinces limitrophes du Tonkin », le Tsong-Li-Yamen répond le 10 avril 1898 dans les termes suivants :

Notre Yamen considère que les provinces chinoises limitrophes du Tonkin, étant des points importants de la frontière, qui 1l’intéressent au plus haut degré, devront être toujours administrées par la Chine et rester sous sa souveraineté. Il n’y a aucune raison pour qu’elles soient cédées ou louées à une Puissance.

Puisque le gouvernement français attache un prix particulier à recueillir cette assurance, nous croyons devoir adresser la présente réponse officielle à Votre Excellence, en la priant d’en prendre connaissance et de la transmettre.

À la même époque, où des « sphères d’influence » paraissaient se dessiner en Chine, l’Angleterre se faisait donner une assurance analogue en ce qui concerne les provinces de la vallée du Yong-tsé-kiang.

Bientôt, tirant parti du meurtre d’un missionnaire, le P. Berthollet, dans le Kouang-si, nous nous faisions reconnaitre un nouveau droit dans notre sphère. Le 2 mai 1898, M. Hanotaux télégraphiait à M. Pichon : « Veuillez demander au gouvernement chinois la concession à une société française d’un chemin de fer destiné à relier le port de Pa-khoï à un point à déterminer sur le cours du Si-kiang, ladite concession devant être faite sur la base du contrat intervenu en juin 1896 pour le chemin de fer de Dong-dang à Long-tchéou. »

Et M. Pichon répondait le 28 mai 1898 :

Le gouvernement chinois consent à notre demande pour le chemin de fer de Pa-khoï au Si-kiang. Il est entendu que, seule, la compagnie française ou franco-chinoise pourra construire tous chemins de fer ayant Pa-khoï pour point de départ.

On peut regretter que le Livre Jaune, en nous affirmant l’existence de ce droit exclusif, ne nous donne pas le texte sur lequel il est fondé. Il en est de même des concessions demandées par M. Delcassé à la suite des difficultés que nous a suscitées le vice-roi de Canton lorsque nous avons voulu régler la délimitation du territoire du Kouang-tchéou-ouan, et surtout après le meurtre par des miliciens chinois de deux officiers du croiseur Descartes, envoyé pour participer à la prise de possession de cette baie. Le 25 décembre 1899 M. Pichon télégraphiait à M. Delcassé qu’il avait obtenu les satisfactions suivantes :

Le vice-roi de Canton est remplacé par Li-Hong-Tchang.

. . . . . . . . . . . . . . .

Les terrains domaniaux ou vacants sur le tracé du chemin de fer de On-pou nous seront donnés.

Les mines du Kao-tehéou, du Lien-tchéou et du Lei-tchéou sont concédées à une société franco-chinoise.

Le Livre Jaune ne contient pas le texte de l’arrangement que M. Pichon résume ainsi. Il est donc impossible de se rendre compte de la netteté, très importante avec les Chinois, des termes dans lesquels les concessions ont été faites.

Quoi qu’il en soit, les districts dont les mines nous sont concédées se trouvent dans le sud-ouest du Kouang-toung. Le Lei-tchéou est la péninsule qui s’avance au devant de Haï-nan ; le Lien-tchéou le borde au Nord-Ouest sur le golfe du Tonkin et le Kao-tchéou au Nord-Est sur la mer de Chine. Quant à On-pou, c’est un petit havre situé à la même hauteur de Kouang-tchéou-ouan, mais de l’antre côté de la péninsule, sur le golfe du Tonkin. Nous avions demandé le droit de le relier à Kouang-tchéou au moment même où nous invitions la Chine à délimiter avec nous le territoire qu’elle venait de donner à bail. La voie ferrée concédée est donc fort courte et ne présente guère que quelques petits avantages stratégiques. Pour donner à Kouang-tchéou-ouan toute sa valeur, il faudrait un chemin de fer non vers On-pou, mais vers le Si-kiang.

Les actes diplomatiques que nous venons d’énumérer constituent la charte de nos droits dans les provinces limitrophes du Tonkin. La crise chinoise actuelle ne saurait pas les diminuer, peut-être mème viendrait-elle à les étendre, si le paiement de l’indemnité exigée de la Chine finissait par n’être pas uniquement pécuniaire. Quoi qu’il en soit, cette énumération montre à quel point notre politique est précisée ainsi que nous le disions plus haut, nettement orientée vers les provinces du Sud-Ouest. Si de ce côté nous ne rencontrons ni Ophir ni Golconde, on ne pourra, du moins, pas dire que nous n’avons pas devant nous ce que nous avons cherché, et cela, non seulement à une époque relativement ancienne, mais encore