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BULLETIN DU COMITÉ

cotonnades et de pétrole, et, à l’exportation, en étain 2.512 tonnes). L’opium, la principale culture du Yunnan, fournit la plus grosse part du reste des exportations, mais on ne saurait préciser les chiffres, car ce produit présente assez de valeur sous un petit volume pour voyager en cachette et échapper aux recherches de la douane. Nous pourrions augmenter rapidement ce commerce par la voie du fleuve Rouge en abaissant les droits de transit perçus au Tonkin (20 %), et aussi en simplifiant les longues et coûteuses formalités douanières. Ces inconvénients purement artificiels permettent seuls, sans doute, à la route plus longue de Pa-khoï-Nanning-Pé-sé de concurrencer encore dans une certaine mesure le tracé beaucoup plus direct du fleuve Rouge pour le commerce du Yunnan.

Il est à remarquer que les échanges entre le Tonkin même et cette province sont très peu de chose. En 1899 ils n’ont figuré que pour 265.000 fr., en diminution sérieuse (320.000 francs en 1898), sur un total de près de 20 millions. C’est, en somme, surtout un commerce de Chine en Chine qui se fait par le Tonkin. Il pourrait en être tout autrement, ainsi que nous le prouvent les statistiques. Sur les 3.500 tonnes de filés de coton importées à Mong-tsé en 1897, 3.451 provenaient de l’Inde. Rien ne nous empêche de créer au Tonkin, pour l’approvisionnement de la Chine, de grandes filatures, comme les Anglais en ont créé dans l’Inde. Nous pourrions y produire la matière première, nous y trouvons une nombreuse main-d’œuvre asiatique et nous aurions l’avantage de la proximité.

Cette observation peut s’appliquer au Kouang-si et aux régions que nous pouvons espérer drainer dans le Kouang-toung et le Kouei-tehéou, dont les importations sont sensiblement les mêmes que celles du Yunnan. En ce qui concerne ces provinces, notre situation est moins bonne qu’à l’égard du Yunnan, puisque nous ne possédons pas la seule voie pratique pour les desservir. Le Si-kiang, sur lequel les Anglais ont dépensé tant d’efforts commerciaux, fait grandissante, depuis l’ouverture de Ou-tchéou fou au commerce étranger, aux routes aboutissant au Tonkin, à Pa-khoï qui est sous notre influence, et à celle qui pourrait aboutir à Kouang-tchéou-ouan. Cependant il faut distinguer. Il est une partie de ces régions que nous pouvons avoir sous notre influence économique directe. La moitié occidentale de la sphère d’attraction commerciale de Pa-khoï, celle qui couvre les districts de Nanning, de Pé-sé, et une fraction du Yunnan, pourrait être desservie par un chemin de fer partant du littoral du Tonkin. À l’Est, au contraire, nous aurons à compter avec le Si-kiong. Mais, outre que nous pouvons commercer sur ce fleuve comme nos concurrents, peut-être ne serait-il pas impossible de détourner une partie du trafic sur Kouang-tchéou-ouan, si nous savions faire de ce port le point de départ d’un chemin de fer bien dirigé. Voici, d’ailleurs, comment M. Henri Brenier concluait sur ce sujet difficile, en terminant les notes commerciales sur le mouvement de Pa-khoï, dans le rapport de la Mission Lyonnaise :

En résumé, il faut distinguer dans les territoires chinois situés à l’est et au nord-est du Tonkin, actuellement fournis en totalité ou en partie par Pa-khoï, deux régions distinctes :

1° Une région qui devrait rentrer dans notre sphère d’influence immédiate, et où nous jouissons d’avantages naturels nous assurant une situation privilégiée.

Cette région, qui comprend une petite bande du Kouang-toung à l’ouest de Pa-khoi (région de Kin-tchéou), l’ouest du Kouang-si, l’est du Yunnan et le sud-ouest du Kouei-tchéou, peut représenter 5 millions environ de consommateurs et un commerce de 10 12 millions de francs.

2° Une région que nous ne pouvons pas fournir directement, ni dans des conditions particulièrement favorables, et où nous nous trouvons en concurrence avec d’un côté et Canton de l’autre, mais où nous pouvons cependant prétendre à notre part du mouvement général d’échanges.

Cette région, qui comprend les districts du Kouang-toung immédiatement au nord-est de Pa-khoï et tout l’est du Kouang-si, représenterait 6 à 7 millions de consommateurs et un commerce extérieur de 17 à 18 millions de francs.

D’après ces conclusions, il semble bien que nous puissions drainer le commerce de la première de ces régions, celle de l’Est, au moyen d’un chemin de fer partant d’un port du Tonkin sans doute celui de Lang-son, mais aboutissant à Haï-phong — et pénétrant assez avant dans le Kouang-si. Quant à la région de l’Ouest, il parait bien que nous y aurions une situation meilleure si nous la regardons plutòt de Kouang-tchéou-ouan que de Pa-khoï. Sans doute nous avons le monopole des chemins de fer à construire au départ de Pa-khoï ; mais il est des droits qu’on acquiert moins pour s’en servir que pour en priver des concurrents. Les chemins de fer de Pa-khoï pourront venir plus tard, lorsque notre situation sera bien établie et que le développement économique de la région les exigera. Mais en attendant, il semblerait bien plus efficace et plus sur de nous faire concéder et de construire une ligne de pénétration dans le Nord partant de Kouang-tchéou-ouan.

Plus l’inventaire que font nos missions des richesses de la Chine méridionale devient serré, et plus on s’aperçoit que les régions voisines du Tonkin, le Yunnan surtout, sont dans le cercle naturel d’attraction de notre colonie, ce qui facilite singulièrement l’action que nous devons y entreprendre. La domination chinoise au Yunnan ne parait s’expliquer par aucune raison géographique. Si une civilisation plus forte ne s’était développée au Nord-Est, si le Tonkin n’avait été longtemps entre des mains impuissantes, il semble bien que c’est vers le bas fleuve Rouge que le Yunnan aurait dû pencher au point de vue politique comme il le fait au point de vue physique. Les meilleurs cantons sont au Sud-Est. Du Tonkin on