Aller au contenu

Page:Bulletin du Comité de l'Asie française, numéro 1, avril 1901.pdf/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
DE L’ASIE FRANÇAISE

nit les indigènes de ses propres provinces : objets manufacturés, cotonnades imprimées, draps et étoffes, chaussures de cuir, vaisselle, bougies, cire objets de fer et d’acier, fer en feuilles, thé, sucre, etc. — Ce commerce croît d’année en année. L’exportation russe a passé de 2 millions o 939 roubles en 1894 à 2.303.221 roubles en 1895. Mais l’exportation chinoise lui reste constamment supérieure, et croit plus vite. Elle a été de 2 millions 871.584 roubles en 1894. Elle a atteint 3 millions 117.373 roubles en 1895.

Le commerce continue le long des frontières de la province de Semipalatinsk. Mais le pays change. Dans les frontières chinoises, plus de soie ni de coton, ni aucune industrie : des nomades pauvres, qui vivent exclusivement de l’élevage. Le commerce a déjà le caractère qu’il aura sur les frontières de Mongolie. Le nomade vend le bétail, les cuirs bruts, la laine, le feutre ; ces articles ont formé en 1895 86 % de sa vente. que l’élevage ne lui fournit pas, il doit l’acheter an marchand étranger, russe ou chinois. L’exportation russe l’emporte donc ici sur l’importation. La première est de 607.544 roubles, la seconde de 507.315. C’est une différence de 100.208 roubles. Et cette exportation s’accroît très vite. De 1894 à 1895 elle a gagné 193.714 roubles, tandis que l’exportation chinoise n’en gagnait que 76.856. — Les Russes fournissent aux sujets chinois surtout des objets manufacturés.

La première place y appartient sans conteste aux tissus de colon, qui forment 87 % de l’exportation russe. Nous avons déjà trouvé ces tissus dans l’exportation du Fergana et du Semiretchié. Toute la Chine occidentale en est vêtue. La matière en vient des plantations du Turkestan russe, dont les produits sont envoyés bruts à Moscou et manufacturés. Ils reviennent ensuite dans l’Asie centrale pour y être exportés dans les provinces chinoises : cotonnades rayées, de couleurs vives, pour les habitants du Turkestan ; cotonnades bleues pour les Mongols. Ils ont à redouter la concurrence anglaise. Les Anglais se sont glissés dans le Turkestan chinois après la répression de l’insurrection doungane en 1878. Les produits anglais sont supérieurs en qualité et en élégance. Mais ils coûtent beaucoup plus cher, 85 centimes le mètre au lieu de 40 ou 45. Et « la question de bon marché est prédominante aux yeux du consommateur indigène ». Tous les voyageurs ont constaté la victoire des produits russes sur les produits anglais.

III

Interposée sur de vastes espaces entre la Sibérie et la Chine, la Mongolie apparaît d’abord comme une région de transit pour les objets qu’échangent les deux pays. — Pays de pasteurs nomades et sans industrie, la Mongolie a elle-même besoin de tout ce que l’élevage ne lui fournit pas directement : vêtements, chaussures, ustensiles, etc. Étendue entre la Sibérie et la Chine, s’approvisionne-t-elle chez l’une ou chez l’autre ? Ainsi la steppe mongol apparaît deuxièmement comme un champ de bataille commercial entre les Chinois et les Russes.

Les échanges entre la Sibérie et la Chine propre à travers la Mongolie se font presque exclusivement par la célèbre route de caravanes qui sort de Chine à Kalgan, traverse le Gobi du sud au nord, passe à travers Ourga et atteint la frontière russe à Kiakhta. Cette route, ouverte en 1721, est depuis le traité de Pékin entretenue par la Russie et desservie par un service postal russe. Entre Ourga et Kalgan fonctionne également un service postal chinois. L’expédition des marchandises par la poste a lieu une fois par mois. Mais le plus souvent les marchands russes, au lieu de s’en servir, louent des chameaux et un guide mongol, et traversent le désert en caravane. Le transport des marchandises est une des principales industries des Mongols. Aujourd’hui, les routes s’améliorent, le transport par bêtes de somme est remplacé par le charriage. La route postale russe a été récemment ouverte aux télègues. Des bacs ont été établis sur les rivières, Ces transformations en amènent d’autres. Les Mongols commencent à faucher le foin. Des charpentiers, des menuisiers, des charrons s’établissent le long de la route. De Kiakhta à Ourga, presque toutes les trois verstes, des villages mongols, encore à demi nomades, apparaissent entourés de meules de foin, de tas de bois et d’objets qu’on en a fabriqués : roues, essieux, brancards. L’arc russe, introduit dans le harnais mongol, montre sous quelle influence s’est fait ce changement.

Le transport se fait pendant l’automne et l’hiver. Les caravanes partent dès le mois de septembre. En 1895, il est parti de Kiakhta vers la Mongolie et la Chine intérieure 100 caravanes chargées de marchandises russes. Il en est arrivé de Chine, dans la même ville, 1.363. Les caravanes russes comportaient 865 chameaux et 1.580 télègues attelées de bœufs et de chevaux. Les caravanes chinoises comportaient 587 chameaux, 76.981 télègues qui étaient attelées de bœufs et 8.560 chevaux. On connaît à ces chiffres le rôle prépondérant de l’exportation chinoise. Les denrées qu’amènent les caravanes de Chine inondent le marché de Kiakhta. Elles y apportaient plus de 5 millions et demi de r. dans les quatre premiers mois de 1896, tandis que le commerce proprement local ne dépassait pas 2 millions et demi. Au rebours, les Russes, sur 560.000 r. de marchandises vendues, n’en expédiaient en Chine que 18.000. Ainsi se vérifie, du moins sur ce point, une fois de plus la loi souvent énoncée : la Chine exporte et n’achète pas.

Les caravanes chinoises apportent à Kiakhta des objets manufacturés, surtout de la soie et un peu de coton ; des pelleteries du Thibet. Elles y apportent principalement le thé. Sur une exportation de 15.193.394 roubles, en 1895, le thé entrait pour 11.795.951 r. Il forme 98 % de l’importation sibérienne. Les Russes apportent des denrées alimentaires, porcs, volailles, œufs, poissons, sucre ; des matériaux bruts, cornes de gazelle et de chevreuil ; mais surtout des objets manufacturés, où