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LE COMITÉ


NOS MORTS

M. DE LA BOULINIÈRE


Dès le début de l’année 1925, le Comité de l’Asie française a été douloureusement éprouvé. La mort de M. de la Boulinière, ministre plénipotentiaire, ancien président du Conseil d’administration de la Dette publique ottomane, est encore venue réduire le nombre de ceux qui, dès le premier jour, en 1901, avaient applaudi à sa formation et accepté de lui donner l’appui de leur nom et l’autorité de leur situation. Le Comité de l’Asie française en est toujours demeuré très reconnaissant à M. de la Boulinière et se doit, au moment où il vient de disparaitre, d’en évoquer ici le souvenir.

LA DISCUSSION
DU
BUDGET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET NOS INTÉRÊTS EN ASIE



La discussion du budget des Affaires Étrangères par la Chambre, qui a duré du 20 au 31 janvier, n’a pas présenté, malgré sa longueur, le même intérêt que certaines des années précédentes pour nos affaires d’Asie. Sans doute la question qui a été le plus discutée, celle de l’ambassade auprès du Vatican, affecte nos intérêts en Orient et même en Extrême-Orient. Mais elle s’est très vite déplacée au dessus, ou mieux à côté de nos intérêts asiatiques ou même des intérêts concrets quels qu’ils soient du pays. Une fureur de théologiens, qui citaient des encycliques pour discuter sur l’incompatibilité ou la compatibilité des doctrines de la République avec celles de l’Église, s’est emparée d’un grand nombre de députés. Transporté sur un pareil terrain, le débat ne pouvait sembler qu’absurde à tout Français qui considère que tout organe politique ou diplomatique ne saurait être considéré que par rapport à l’intérêt national et que ce dernier n’est pas confondu avec, et encore moins absorbé par celui de faire de la France, aux dépens de sa situation ou mieux de sa sécurité, la servante de telle ou telle doctrine dans le monde. Nous ne saurions encombrer nos colonnes du compte rendu, ni même d’une analyse complète de débats ainsi « élargis » et dans lesquels il n’a été question que par bribes et d’une manière subordonnée de nos intérêts en Orient.

La mystique, la rage de doctrinaire qui ont prévalu dans beaucoup de discours sur l’esprit positif et national auraient dû se suffire à elles. mêmes. Du moment où l’Ambassade au Vatican devait être condamnée au nom d’un principe, il était bien inutile d’en discuter le rendement pour établir qu’elle n’avait servi à rien. Cette dernière argumentation aurait pu servir à exercer une pression sur le Saint-Siège, en appuyant une menace de supprimer l’ambassade, si celle-ci n’avait été condamnée à l’avance par des raisons de doctrine. Mais en cette affaire il ne s’agissait pas d’utilité publique, mais d’une manifestation. On ne voulait pas à fond résoudre une question de politique extérieure, mais multiplier les arguments pour l’usage interne. S’il n’en avait été ainsi, les raisons excellentes données, surtout. dans le discours pressant, vigoureux, admirablement habile de M. Briand auraient convaincu.

Quoi qu’il en soit, une faute grave a été commise, et on ne voit pas bien par quels moyens constitutionnels le Sénat pourra en arrêter les effets, s’il le vent. Et nous nous inquiétons moins encore des Conséquences que cette faute aura dans les domaines qui font partie de l’objet de notre Comité : écoles des missions, protectorat catholique, directives aux clergés d’Orient ralliés à Rome, qu’à ses effets sur des intérêts français encore plus vitaux. En Asie, il s’agit pour nous d’un concours au maintien de notre influence, par les directives à donner aux clergés locaux, à des écoles relevant de congrégations étrangères ou par le prestige qui s’attache encore à ce qui reste et peut subsister du protectorat catholique dans l’Orient nouveau qui se fait. Mais en Amérique, il s’agit de nos finances et peut-être demain d’un appui, si on voyait se préciser les dangers. que M. Herriot signalait avec émotion presque au moment où il venait de combattre dans l’ambassade auprès du Saint-Siège un moyen, modeste. si l’on veut, mais cependant appréciable, d’y parer. En Pologne, en Tchécoslovaquie, en Autriche, en Belgique, en Irlande, il s’agit de l’équilibre des forces en Europe, c’est-à-dire de l’ensemble des moyens qui peuvent servir à éviter de nouvelles conflagrations ou, si elles éclatent, à en sortir victorieusement. Dans tous ces pays s’exerce, qu’on la juge sympathique et « obscurantiste » ou non, l’influence du Saint-Siège. Le Gouvernement, qui a envers le pays des obligations positives, a agi malgré elles comme un commerçant qui refuserait des relations d’affaires avec un client sans doute intéressant, mais dont la complexion intellectuelle lui serait antipathique. Il y a de la puérilité dans cette espèce de pédanterie politique. Elle est en tous cas terriblement étrangère au réalisme qui conviendrait à un pays qui, avec des moyens qui, tout au moins, ne croissant pas, doit faire un effort de plus en plus dur pour défendre la place qu’il veut garder au soleil et même maintenir son foyer contre des forces qui, elles, ne cessent de grandir. Dans une pareille situation on ne néglige aucun étai. N’empêche que l’attitude du Gouvernement a été pour