Aller au contenu

Page:Bulletin historique et philologique, 1904.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait des partisans parmi les pédagogues les mieux intentionnés. Rollin conseille d’enseigner tout de suite le français aux élèves destinés à quitter de bonne heure les bancs de l’école ; les autres commenceront par le latin, « parce que, dans cette langue, tout se prononce uniformément et que le son répond toujours à l’expression des caractères qui se présentent à la vue…… Mais, ajoute-t-il, comme la lecture du latin ne présente à l’enfant que des mots vuides de sens, et que l’ennui doit naturellement accompagner un exercice où il ne comprend rien, on ne saurait trop tôt l’amener au français, afin que le sens l’aide à lire et l’habitue à penser ». Le chanoine Cherrier partageait ce même avis[1].

Dans les petites écoles de campagne, l’usage des syllabaires en latin restait à peu près général. Une enquête ouverte en 1790 par l’abbé Grégoire lui fournit des réponses dans le genre de la suivante :

Les maîtres d’école, dans les endroits où il y en a, apprennent à lire en français et en latin ; mais, en général, ils ont tous la manie de commencer par cette langue, de sorte que l’éducation se réduit presque, dans nos campagnes, à rendre les élèves capables de pouvoir, les jours de fêtes et dimanches, aider leurs pasteurs à chanter les louanges de Dieu dans une langue qu’ils n’entendent pas[2].

Au XIXe siècle, les syllabaires français se multiplient, le latin est relégué dans le psautier. Enfin le psautier lui-même abandonne la place, et la langue nationale est désormais la seule usitée dans les petites écoles.

Artifices proposes pour l’enseignement des éléments. — De tout temps, les amis de l’enfance se sont ingéniés à rendre moins aride l’étude de la lecture et particulièrement celle des lettres de l’alphabet. Les Romains connurent les lettres mobiles que l’élève assemblait pour former des mots : Au Ve siècle, saint Jérôme en conseillait l’usage à Lœta pour l’instruction de sa fille Paula :

Il faudra lui faire faire des lettres de buis ou d’ivoire qu’on appellera devant elle par leurs noms. Qu’elle s’en joue afin que ce divertissement lui serve d’instruction. Elle ne doit pas seulement savoir le nom de ces lettres

  1. Méthodes nouvelles pour apprendre à lire, par S. Ch. Ch. R. C. d. N. et d. P., 1755, p. 94-95.
  2. Gazier, Lettres à Grégoire sur les patois de France ; 1879.