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son enfant à l’école où se donne cet enseignement : y a-t-il plus émouvante situation d’esclave ?

Aussi, des pères de famille trouvant le joug intolérable, ont-ils résolu de défendre la neutralité de l’école inscrite dans la loi.

Aux abus du livre et de la parole, çà et là, ils ont opposé ce que le Ministre appelle la « grève » de l’enseignement.

De plus, ils se sont souvenus que la loi est égale pour tous et qu’elle reconnaît à tout citoyen le droit d’obtenir la réparation du dommage qu’il a subi. Si un membre de l’enseignement public manque à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions, pourquoi n’aurait-il pas à en répondre devant les tribunaux de droit commun ? Rien de plus naturel. De la sorte, la loi elle-même protégera, du moins en partie, cette neutralité scolaire qui paraissait, de prime abord, dépourvue de sanction efficace.

C’est ainsi que le comprirent, dans l’affaire désormais fameuse de Dijon, ces pères de famille qui assignèrent, devant le tribunal civil de cette ville, un instituteur accusé d’avoir tenu en classe des propos délictueux. Le jugement qui fut rendu put faire croire qu’il y avait donc un moyen légal de travailler au maintien de la neutralité scolaire.

L’illusion devait être brève. Le 25 Juin 1908, exauçant les réclamations d’une certaine presse, le Ministre de l’Instruction publique déposait un projet de loi, suivi rapidement d’un second projet (30 Juin), présenté, celui-ci, par les deux Ministres de l’Instruction publique et de la Justice. Une menace de plus pesait sur les catholiques, et le peu qui subsistait de la liberté des pères de famille, en matière d’enseignement, était encore compromis.

Un court exposé de ces deux projets nous permettra aisément de nous en convaincre.

Le premier reconnaît, de façon théorique, le droit des parents au respect de leurs croyances : il déclare ne réprouver ni leur sollicitude ni leur contrôle, dans l’œuvre de l’école. En réalité, loin de raffermir le droit de la famille, il vise à en rendre l’exercice pratiquement impossible. Les garanties qu’il offre se ramènent de nouveau à porter plainte devant les autorités scolaires : autant vaut dire, nous l’avons bien vu plus haut, qu’elles sont l’inconsistance même. Que si — et voilà l’énormité dans la nouveauté — n’ayant pas obtenu justice, les parents défendent à leurs enfants de se servir du livre qu’ils jugent mauvais, ou de prêter l’oreille aux propos blâmables du maître, alors, un délit jusque-là inconnu est constitué. Mais, chose incroyable ! l’auteur du délit nouveau