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7 janvier 1899.
LA VIE PARISIENNE

mécontente de moi… et de lui donc ! Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?

Oh ! mon Dieu, c’est bien simple, ça voulait dire que je ne l’aimais plus ! Je mis deux mois à m’en apercevoir, cinq à le lui avouer.


Si c’est, comme je le crois maintenant, une faute, et bien pis, une sottise grave de prendre un amant, j’ai fait un bout de la peine expiatrice pendant ces cinq mois-là. Oh ! l’adultère obligatoire ! C’est tout ce que je souhaite à mes pires ennemies.

Pierre était toujours affectueux, soigneux, prudent, intelligent et raisonnable. Je n’avais rien à lui reprocher, il demeurait semblable à lui-même, mais… je ne l’aimais plus ! Ah ! la corvée exaspérante des déshabillages, l’écœurement des baisers qu’on ne désire pas, l’ennui meurtrier des tête-à-tête… la honte de celle comédie sans courage et sans but…

Un matin, je sentis que je n’avais pas la force d’aller au rendez-vous, et que je ne l’aurais pas le lendemain, et que je ne l’aurais plus jamais. J’écrivis pour expliquer que j’étais indigne de la passion, que j’avais le cœur futile et faible, je demandais pardon, et je disais adieu.

. . . . . . . . . . . . . . .

Ce jour-là, tout appauvrie d’avoir perdu mon amour, en deuil de cette mort intérieure, sans joie, même de la délivrance venue trop tard, je me laissai emmener par Louise Harmailles au sortir du cours de chant où j’étais allée, fuyant ma solitude.

Comme à l’ordinaire à pareille heure, nous allions chez le pâtissier. Louise parlait… parlait…

La voiture était immobilisée par un encombrement, contre un angle de trottoir, quand, s’interrompant, Louise se pencha brusquement, et fit de sa menotte gantée de blanc, un bonjour drôle. Je regardai où elle regardait : un spasme me pinça au cœur. Pierre était là. Sans doute il dut être ému profondément, car il eut un arrêt, sa figure devint rouge et se contracta, puis très vite, saluant, il passa.

— Elle est bien bonne, dit Louise, qui, avec un rire, s’était rejetée au fond de la voiture ; savez-vous qui c’est ?… Eh bien, ma chère, c’est ce raseur d’André !

— Comment ?… Qu’est-ce que vous dites ?… Ce monsieur qui vient de saluer ?… Mais c’est Pierre Lermeaux.

— Parfaitement ! Je l’appelais André en vous parlant de lui, par prudence… Vous comprenez… Vous le connaissez, alors ?

— Oui, un peu.

— Vous dites ça drôlement.

— Mais non… pourquoi ?… je suis surprise… je ne me doutais pas… Ah ! vraiment, c’est ce raseur d’André !…

Et je faillis sourire.

CLEG.

(À suivre.)