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les maisons sacrées

Sans doute personne n’a profané cette chambre en y dormant. À peine fut-il parti, on sut trop bien qu’elle était sacrée. Depuis quatre-vingts ans, rien n’a bougé. Tout est médiocre et pathétique : l’exiguité de la pièce si sombre, le lit de bois. Une étoffe bariolée pend au mur derrière ce lit. Une courte-pointe piquée le recouvre. La même qui enveloppait ses genoux, lorsque étendu sur ce fauteuil il cessa de respirer. Il y a encore une modeste table avec une cruche de porcelaine, la tasse de sa dernière soif. Rien d’autre. Et tout cela est plus émouvant que les chasses d’or et d’émail où l’on garde les reliques.

Nous avons redit sans fin son murmure suprême : « Plus de lumière ! » L’esprit s’attache à une si belle légende. Nous voulons trouver dans ces paroles le conseil du penseur magnifique… Qui sait ce qu’il désirait, ce qu’il pensait en cette minute suspendue… Avant qu’elle frappe, la mort réveille peut-être et colore prodigieusement bien des images lointaines — les images de ce qu’on a le plus chéri, le plus regretté… Qui peut dire si, en cette journée de l’hiver allemand, au fond de cette obscure petite chambre, ce qu’il implorait, le vieillard sublime, ce n’était pas la clarté enivrante de la terre où les citrons mûrissent où l’on est heureux… la terre d’Italie !…

Au sortir de chez Gœthe, une étroite rue déserte me tente. La rue aboutit vite à un espace libre.