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un voyage

avec perfection. Cependant le parc n’est ni sauvage ni intime. Il est partout artificiel. D’avance, on le sent, les émotions du promeneur ont été prévues, bien plus, réglées et imposées. Il les reçoit comme d’une symphonie qui fait se succéder la mélancolie et la joie, et commande les images. On n’est pas libre de choisir son thème. On est conduit impérieusement. Et, malgré la beauté de tous les aspects, on ne demeure pas leur dupe. Les arbres sont immenses, les plis de terrains majestueux, c’est par places le décor de la grande forêt. Mais l’inquiétude de la forêt manque, car la forêt est inquiétante parce qu’elle ne nous attendait pas.

L’arbre qui barre le chemin dans l’admirable parc de Gœthe, ne donne nullement l’impression d’un obstacle réel, on sait trop bien que la route fut tracée de façon qu’elle vînt justement joindre cet arbre et qu’on eût par là l’image de résistance qui accroît le sens de liberté. Ce parc ne nous met pas en contact avec le grand mystère des bois, mais il est humain, prodigieusement. On y comprend, mieux que nulle part, l’imagination romantique, et son effort pour intervenir dans l’ordre naturel, le bouleverser, lui substituer le vouloir, tourmenté, complexe, ambitieux que l’homme s’est forgé dans sa longue route.

Combien ce décor, conquis sur la réalité par le poète, et tout palpitant de son génie dominateur devait émouvoir Charlotte von Stein, tandis que, ses hauts talons imprimant leur trace sur la terre humide, des gouttes de soleil pleuvant à travers