Page:Bulteau - Un voyage.pdf/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
les maisons sacrées

les branches sur son fichu blanc, elle allait discuter avec l’ami le travail de la veille, copier ses notes, respirer sa pensée ! Elle arrivait par ce large pré tout violet de fleurs à la petite porte de la petite maison, lamentablement triste et comme inconsolable aujourd’hui, et qui alors était la maison du bonheur.

Gœthe se retirait là pour être loin de la Cour ; pas très loin — dix minutes de marche mènent au château. – On l’y laissait pourtant plus libre, et seul. Quelquefois sans doute, impatient, il venait à la porte dès qu’il apercevait de loin la robe claire sur l’herbe et les fleurs de la prairie. Ou bien, sans bouger, il attendait, contenant sa joie pour en mieux sentir la pointe aiguë. Et puis elle était là. Il possédait ses yeux ! Et ils marchaient par le sentier qui grimpe au coteau, s’asseyaient un moment à cette place ombreuse où sur une plaque de marbre il fit graver des vers à l’Inspiratrice tant chérie. Ils disaient des choses merveilleuses et passionnées. Elle goûtait son triomphe tandis que le soleil crevait les branches entrelacées. Enfin, ils rentraient pour travailler ensemble dans l’ivresse chaude des cours et des esprits rejoints…

Il y a peu de meubles dans la maisonnette, et de pauvres meubles. Probablement y en avait-il davantage lorsque le grand homme l’habitait, mais guère. Ici, on le sent, il fuyait son existence officielle de la ville, les visites, les vaines paroles, la représentation, la gloire même. C’était le royaume de son repos et de ses joies secrètes. Un endroit