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un voyage

bombes lumineuses, le bouquet de ce grand feu d’artifice, et les cris du public, les couronnes, les fleurs qui pleuvent autour du prêtre de l’harmonie, frémissant sur son trépied, et les jeunes belles qui, dans leur égarement sacré, baisent avec larmes le bord de son manteau ; et les hommages sincères obtenus des esprits sérieux, et les applaudissements fébriles arrachés à l’envie ; les grands fronts qui se penchent, les caurs étroits surpris de s’épanouir… Et le lendemain, quand le jeune inspiré a répandu ce qu’il voulait répandre de son intarissable passion, il part, il disparaît, laissant après soi un crépuscule éblouissant d’enthousiasme et de gloire… »

Cette fois, « le jeune inspiré » ne partit point. Il donnait un concert de bienfaisance. La princesse lui envoya cent roubles, il vint la remercier. Elle aimait déjà : il aima, et, en mourant il aimait encore.

Leurs vies se joignent immédiatement par tout ce qui pour eux était grave et sacré. Ils se connaissaient depuis peu de temps lorsqu’elle l’invita dans ses terres de Podolie, choisissant comme date l’anniversaire de sa fille, afin qu’ensemble ils célébrassent cette fête, qui entre toutes lui était chère. Un an après, Mme  de Wittgenstein quitta la Russie, emportant cette fille, son seul amour jusque-là, et vint retrouver Liszt qui l’attendait dans une étouffante anxiété.

Elle s’installa ensuite à Weimar, au château de l’Altenburg, dont une aile fut réservée à Liszt. Leur passion était si haute, si fière, que tout le monde