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un voyage

ticité de ce buste fut le sujet de vives contestations et d’affirmations tout aussi vives et très hautaines. Et puis, il se trouva que le chef-d’œuvre du xve siècle était bourré de journaux anglais auxquels la majeure partie du public ne voulut pas admettre que Vinci fût abonné.

La cire malencontreuse demeure ferme au plein milieu du musée, en si belle place que, s’il l’avait faite, Léonard ne lui en aurait pas souhaité une meilleure. On l’a photographiée, cette cire, autrement et mieux que les Van Eyck. Il ne tient qu’à vous de croire que ce faux est la perle de la galerie.

Quand chez nous on se trompe sur quelque tiare, le coupable est d’abord couvert d’invectives et de sanglantes railleries, ensuite, le plus vite possible, on cache le corps du délit ; on ne parle plus de la fâcheuse erreur, chacun s’efforce de la faire oublier en l’oubliant lui-même. C’est agir petitement.

Ici, on a plus d’allure. On s’est mépris, on tire de là une sorte de gloire. Ainsi les médecins de Molière « triomphaient encore sur cette maladie », après avoir tué leur patient. Certes, il fallait une grande distraction pour attribuer à Léonard cette cire médiocre et sans caractère. Pourtant loin de trouver dans une telle distraction quelque motif pour être modeste, on persiste, on admire l’objet, on l’étale bravement. On continue d’imprimer au bas des photographies : Léonard de Vinci, Buste de Femme en cire colorée. M. Bode est fier, tout le monde content. Et voilà la grande manière !

On me raconte — j’espère que c’est vrai, car c’est