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mécontent et se souviendra. Puis c’est une démarche indiscrète chez un ambassadeur. Voltaire a eu toute sa vie un goût malheureux pour les négociations, les intrigues politiques. Il cherche à satisfaire cette manie en se mêlant de ce qui ne le regarde pas. Il est repris de belle façon, comme on peut bien croire. Puis il invente de spéculer sur les billets de la banque de Saxe. Ces billets, tombés fort au-dessous de leur valeur nominale, étaient remboursés intégralement aux sujets prussiens. Nombre de gens en achetaient à vil prix et, au moyen d’un intermédiaire, se les faisaient payer à Dresde. Frédéric avait sévèrement interdit cet agiotage dans ses États. Tant pis, Voltaire va en essayer. Il trouve l’intermédiaire, ou peut-être celui-ci le trouve, on ne sait trop ; enfin, il donne commission pour un gros achat. Ensuite il aperçoit soudain les conséquences d’une telle action. La peur le prend. Il annule l’ordre. Mais son agent ne veut rien entendre, fait du bruit. Voltaire nie tout, avoue tout, poursuit son homme, en est poursuivi, gagne enfin son procès, non sans avoir gratté sur un papier certains mots qu’il remplace par d’autres, non sans avoir, il y a tout lieu de le craindre, prêté une manière de faux serment. L’Europe entière rit de l’aventure. Et Frédéric est dans une grande rage, et la témoigne avec brutalité. Il a quelque droit de n’être pas bien satisfait. Cependant… La moralité de l’époque n’est pas telle que tout cela doive faire tant d’horreur, et, pour celle de Frédéric en particulier, on ne voit pas qu’elle