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un voyage

c’était là, sans doute, une dangereuse imprudence. Surtout, c’était une bonne farce, et si drôle que, il dut l’espérer, le roi finirait par en rire. D’ailleurs, il n’eut pas complètement tort. Frédéric, après avoir tiré de lui les plus énergiques dénégations, et ensuite un aveu, fait saisir l’édition, la brûle lui-même et en présence de Voltaire, dans la belle chambre où bien plus tard, il mourut. Mais avant de brûler, il lit, et, comme Voltaire y comptait, rit de voir le cher Maupertuis tourné, retourné, roulé dans un ridicule si merveilleux. Seulement, de rire, cela ne désarme pas Frédéric. Non plus que de voir brûler son livre n’assagit Voltaire.

Il a juré au roi qu’il ne ferait pas réimprimer Akakia. Les cendres de la première édition ne sont pas refroidies qu’une seconde court dans Berlin pour l’extrême joie du public… Pauvre Grand Frédéric, despote irrésistible, dont la volonté brisait tout, avoir rencontré Voltaire sur son chemin, quelle aventure !

Cette fois, il fut féroce. Ce n’est pas dans son élégante cheminée de marbre que brûle Akakia, c’est sur les places publiques, et notamment en face de la maison où Voltaire s’est retiré. Ce n’est pas la main royale qui lance la diatribe aux flammes, c’est la main du bourreau. Vous croyez que par ce rude châtiment, Frédéric apprend au monde qu’il rejette son indigne ami ? Mais pas du tout !

Voltaire renvoie sa clef de chambellan, sa croix, le titre de sa pension avec le quatrain que l’on sait :