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en hollande


niquent une certitude de liberté. Le sentiment « d’avoir la place » est si bienfaisant pour nous qui vivons entassés ! J’imagine qu’au temps où il y avait moins de gens réunis en paquets, se mangeant l’air, se disputant la rue, — au temps où les rois de France dataient leurs lettres : « de nos déserts de Fontainebleau », — les larges espaces ouverts et vides ne donnaient pas les agréments qu’ils nous donnent. Maintenant c’est assez pour se sentir capable de beaucoup de choses, et mieux conforme à soi-même, de regarder des champs infinis dans lesquels il n’y a personne.

Rien ne varie le spectacle, sinon parfois un peu plus d’eau, quelques vaches, un héron qui s’envole et aussitôt se repose, content de soi. Pourtant, les heures courent plus vite que sur les routes « pittoresques ». Les sapins mélodramatiques, les torrents, les arêtes aiguës, les gorges donnent aussi le sentiment de la monotonie. Mais non cette monotonie douce qui rend l’esprit agile. Une monotonie agressive et pleine de déceptions. C’est si ennuyeux de voir l’extraordinaire devenir ordinaire à force de fastidieuses répétitions !

Ici, le calme des lignes laisse à l’esprit une tranquillité qui lui permet de saisir les plus subtiles variantes, de constater les moindres nuances, et on jouit de créer pour ainsi dire le paysage par son amoureuse attention.