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munich

Des portes battent dans le couloir, des sonnettes tintent. Sans doute, quelques voyageurs nerveux sont devenus fous, quelques cardiaques agonisent… — Trois heures : une explosion ! C’est comme si tous les canons, toutes les trompettes d’Allemagne tiraient et jouaient à la fois. On a ouvert la porte de la salle où les drilles se divertissent !… Je sonne, moi aussi, comme les fous et les mourants, mes voisins. Une femme de chambre paraît et à mes implorations éperdues, répond d’un air tranquille : « Oh ! ce n’est rien, c’est une petite fête d’étudiants. »

Ils sont partis ! Dans le silence de plomb qui retombe, je sens chacun de mes nerfs vibrer, et il me paraît que l’air de ma chambre remue des odeurs de bière et de ménagerie.

Ces étudiants, ils ne se sont point raconté d’histoires drôles, ils n’ont pas causé, ni pensé sans doute. Ils se sont bien amusés ? De quoi ?… Tandis qu’inutilement je cherche le sommeil, je crois voir dans la nuit la taverne d’Auerbach : « À pleine poitrine chantez à la ronde, lampez et criez ; allons, holà ! ho ! » dit Siebel. Et Méphistophélès : « Pour cette espèce, pas un jour qui ne soit une fête. Avec peu d’esprit et beaucoup de contentement, chacun tourne dans un cercle étroit comme de jeunes chats jouant avec leur queue. » Pour s’amuser dans la taverne d’Auerbach, il faut ces jeunes chats peu ambitieux. Faust et son guide subtil ne sauraient y demeurer longtemps.