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vérone

tions timides qui restent en route. Les voilà de nouveau dans l’escalier.

Moi, je fais une scène. Pendant les mois passés au milieu du bon ordre allemand, j’ai oublié les méthodes italiennes. Je suis en colère. Le directeur sourit, affable. Il n’y a rien, rien : il le jure, la main sur sa poitrine. Puis, sans la moindre transition, il demande combien de temps je compte passer à Vérone. « Je pars demain matin. » Il regarde rêveusement l’espace, sourit encore, me fait signe de le suivre, et m’emmène dans une immense chambre, qui voudrait être somptueuse. « Vous pouvez coucher là cette nuit, dit cet aimable homme dont le sourire est devenu tendre, mais demain il me faut cet appartement, parce que vous comprenez, il pourrait arriver du monde. »

Les Anglais et le jeune ménage sont casés : il y avait toute la place nécessaire ; mais ce singulier directeur préfère garder ses chambres aux gens problématiques qui pourraient arriver. Quels gens ? Le pape et tout le sacré collège ? L’empereur d’Allemagne et sa famille ? Des gens ! Personnages extraordinaires qui en huit jours feraient la fortune de l’hôtel. Des gens ! La possibilité de gagner davantage : le rêve, la féerie. Cette peur de manquer l’occasion prochaine, ce goût de ce qui viendra, enfantins, poétiques aussi, m’amusent. Je ne suis plus en colère. J’ai retrouvé mes chers Italiens.

Après le dîner je flâne dans les rues. Il pleut. Une petite pluie fine, intermittente à laquelle nul ne fait attention. Et le ciel par places reste clair.