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ravenne

Ensuite, il mourut sans avoir raconté l’aventure, et les pèlerins continuèrent pendant deux siècles de s’exalter auprès du tombeau vide.

Les moines, en Italie surtout, attachaient une importance capitale aux reliques. N’est-ce pas touchant de songer qu’Antonio Santi révérait Dante à tel point, que les os de l’écrivain lui parurent aussi précieux que les os des guérisseurs sacrés, qui calment les souffrances et amènent de l’argent au monastère ? Oui, un tel amour émeut le cœur. Cependant, avec cela on voudrait être sûr que le bon moine avait lu la Divine Comédie.

Je m’en vais à travers la campagne morose. L’espace est plein de vent. Les nuages courent. Parfois un char que traînent des bœufs, encombre la route. Les lentes bêtes avancent pesamment, le char pris dans une ornière penche, se redresse, passe. Et le paysage reprend sa tristesse.

Les rares gens qui cheminent ont l’expression de rêverie lointaine que donne la fièvre. Partout, à travers les cultures, on devine le marécage ; son odeur lourde traîne dans l’air.

Au bord du talus une femme et une fillette sont assises. Elles tournent la tête, montrant de merveilleux visages aux longs traits, sur lesquels, semble-t-il, le temps passera vainement. Leurs yeux sombres dans leur masque brun et mince sont graves. Chez nous, la continuelle envie de sourire